Quelle place dans les relations géopolitiques interrégionales ?

FAITS 

L’émergence en 1995-1996 d’un concept nouveau en géopolitique, celui de « concurrences interrégionales », expliquerait le fonctionnement des relations entre les États asiatiques, y compris les nouveaux venus issus de la fragmentation du bloc soviétique. Il dérive des dynamiques régionales à la fin de la guerre froide. On peut lui attribuer l’apparition :

  • du Groupe de Shanghai (future Organisation de Coopération de Shanghai, OCS),
  • de l’ASEM (future dimension interrégionale dans le monde), de l’ASEAN élargie (future Communauté de l’Asie de l’Est), correspondant à la mise en place préalable de l’APEC.

COMMENTAIRES PROPSPECTIFS

L’émergence d’États nouveaux en Asie centrale a engendré un besoin accru de stabilité pour leurs voisins. Ce besoin ressemble au concept occidental de «stabilité » par l’action permanente de « politiques étrangères ». Mais cette évolution très rapide et non préparée de la transition a pris du temps (une bonne décennie) et a même buté sur l’apparition d’affrontements internes, comme au Tadjikistan. La différence avec les pratiques européennes des États vient du fait que les traditions d’arrangements formels entre Européens, depuis 1950 ne fait pas partie de la culture asiatique. D’où la différence entre le concept européen d’intégration et le concept asiatique de coopération. En Europe, l’intégration est pensée entre « partenaires » qui ont subi les effets désastreux de guerres intestines devenues « mondiales ». Un projet intégrateur de partenaires très « différents » n’est pas d’actualité en Asie. En Asie centrale, la domination russe puis soviétique a imposé l’invention d’un mode d’interaction entre « nouveaux » voisins étatiques soudain contraints de se trouver des frontières. Or, ils ont des intérêts stratégiques communs aussi bien dans la gestion des ressources en eau que dans l’affirmation d’eux-mêmes en face de la Chine, de la Russie, de l’Inde et du Pakistan.

ENJEUX 

Il s’agit des modalités à long terme d’une intégration géopolitique propre à l’Asie centrale, pour gérer la durabilité des cinq petits États nouvellement apparus face à des voisins mastodontes. On en reviendrait, en quelque sorte, au concept de Heartland de MacKinder et aux tentations d’appropriation par les voisins (comme celles la Chine au 18e siècle ou de la Russie au 19e). Mais on retrouve aujourd’hui, tout autant, les pratiques encore plus anciennes qui ont fait de l’Asie centrale une terre de passage (mythe de la Route de la soie). L’avenir seul tranchera entre la fragmentation, l’absorption ou l’apparition d’une intégration autonome.

Pierre Gentelle

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°2 octobre 2007

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