G20 s’apprête à doubler le G7 (Le), François Sergent, Libération, 31 mai 2013 et
Vers un nouvel ordre du monde Gérard Chaliand, Michel Jan
Lors du 6ème festival de géopolitique, organisé par le Centre d’Etudes en Géopolitique & Gouvernance, qui s’est tenu à Grenoble du 3 au 6 avril 2014, le prix Anteios – Axyntis 2014 du meilleur ouvrage de géopolitique de l’année 2013 a été décerné à Gérard Chaliand et Michel Jan pour « Vers un nouvel ordre du monde » (Editions du Seuil).
Le prix récompense un ouvrage qui illustre de façon convaincante le rapport de forces dans l’espace – ce qui est la définition même de la géopolitique. Le jury est composé d’enseignants de géopolitique ainsi que des deux partenaires du prix issus du monde de l’entreprise.
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Libération
Le G20 s’apprête à doubler le G7
31 mai 2013 à 19:06
Par FRANÇOIS SERGENT
Gérard Chaliand n’est ni un géopoliticien en chambre ni un stratège de salon ; il a parcouru tous les terrains des guerres irrégulières, de l’Afghanistan au Kurdistan, dont il est un spécialiste sans rival de l’histoire et de la culture. Fort de ses voyages, de ses études et de son expérience, il livre un ouvrage stimulant et dérangeant sur«le nouvel ordre du monde».
Avec le sinologue Michel Jan, il dessine les contours des nouvelles puissances, des peuples autrefois colonisés et dépassés qui deviennent les nouveaux maîtres du monde, les nouvelles puissances de l’économie globale.«Nous vivons la crise du monde développé dans le contexte d’un nouvel équilibre largement ébauché où l’Asie, Chine en tête, suivie de l’Inde et des nouveaux émergents comme le Brésil, l’Indonésie et le G20 pèseront bientôt plus lourd que le G7», écrit Chaliand.
Ce renversement de perspective bouscule et transforme les rapports de force nés de la dernière guerre et de la guerre froide et que l’Occident croyait à tort pérennes. Bon connaisseur des Etats-Unis, Chaliand se garde pour autant d’enterrer ce pays qui reste la première puissance mondiale.«Les Etats-Unis sont une société dynamique, innovatrice, ouverte et adaptable»,note notre géopoliticien qui souligne l’avancée technologique notamment dans le domaine militaire de Washington. Il reste en revanche très critique sur l’économie du pays, dominée par la finance et en mal d’investissements dans les infrastructures et l’éducation.
Chaliand décline à grands traits, sans pour autant être cavalier ou superficiel, ce monde en mouvement, soumis à des changements tectoniques, où la culture occidentale, ses valeurs, sa puissance militaire et économique ont perdu de leur superbe. Le grand rival est bien sûr la Chine, à laquelle Michel Jan consacre cinq chapitres éclairants et sans concessions.«Les dirigeants chinois, écrit Jan,entendent redonner à leur pays la dimension impériale qui, pensent-ils, doit lui revenir après deux siècles de repli, d’effacement, d’agressions étrangères, de guerres civiles et de révolution».
Le sinologue dénonce à juste titre le fonctionnement autocratique du Parti communiste. Le PC reste«une organisation marxiste-léniniste»qui entend toujours«contrôler les nominations de tous les dirigeants, comme l’information et la formation des esprits». Autant de faiblesses qui obèreront la superpuissance chinoise d’autant plus que«Pékin n’a pas su trouver la solution à la difficile intégration stratégique de l’économie, de la défense et de la diplomatie». L’Europe et la France en particulier sont les grandes absentes de cette configuration du monde, juge sévèrement Chaliand.«A moins que l’on assiste à l’émergence improbable d’une Europe aux institutions plus fédératrices, il nous faudra beaucoup de détermination pour figurer parmi les dix premiers d’ici à 2020», conclut le géopoliticien.