Inde-Pakistan : amélioration des relations d’affaires

 Inde-Pakistan

amélioration des relations d’affaires

Éléments documentaires 

Rémi Perelman Asie21, novembre 2013

Malgré la bonne volonté affichée par le Premier ministre indien et son homologue pakistanais lors de leur entretien tenu en marge de l’assemblée générale des Nations unies fin septembre 2013 (le respect de la de facto frontière – ligne de cessez-le-feu désignée comme « Ligne de contrôle » entre leurs pays – « est de première importance »), des escarmouches entre les armées des deux pays ont repris enj octobre 2013 une intensité que l’on n’avait pas observée depuis dix ans. Les deux capitales se rejettent mutuellement la responsabilité des provocations initiales. L’Inde pointe la guérilla livrée sur son territoire par le groupe Lashkar-e-Taiba, soutenu, selon elle, par certains membres des services de sécurité pakistanais. Le Pakistan accuse l’Inde d’aider l’Armée de libération du Baloutchistan.

Les raisons d’un antagonisme indo-pakistanais sont bien connues et chacune des innombrables crises entre les deux pays est abondamment et complaisamment rapportée, notamment depuis qu’ils possèdent l’arme atomique.  Les efforts de conciliation le sont infiniment moins. Ils n’ont pourtant jamais cessé depuis 1972, malgré les écueils et les discontinuités. Ils sont ténus, certes, mais constituent autant d’amorces le jour venu : CBM (Confidencebuilding Measures), matchs de cricket,  jumelages d’écoles, autorisation d’investissements, aide après catastrophes, pélerinages massifs de Sikhs dans leur lieu saint de Nankana Sahib (Punjab pakistanais), les liens qu’expliquent la proximité linguistique et culturelle entre les deux communautés dans la diaspora, notamment en Grande-Bretagne (British Asian) ou aux États-Unis (South Asian American), dialogue entre les responsables des deux flottes de guerre, assouplissement des critères d’obtention de visa…

Relations entre milieux d’affaires, quelques manifestations récentes

Notons l’existence d’une India-Pakistan Chamber of Commerce and Industry et l’activité des milieux d’affaires des deux pays, que jalonnent différentes manifestations récentes :

Le premier Forum indopakistanais des affaires, qui s’est tenu en juin 2013 à Islamabad, laisse entrevoir une amélioration substantielle des échanges commerciaux. Le dialogue en la matière a repris avec la 5e rencontre entre Secrétaires au commerce concernés à Islamabad en avril 2011, initiant une série de rencontres régulièrement programmées.

Le second Forum indopakistanais des affaires s’est tenu les 11 et 12 octobre 2013 à New Delhi. Centré sur la logistique, il avait pour objectif de proposer des mesures propres à améliorer les liaisons, y compris postales, entre les deux pays. Assurer une meilleure fluidité à l’unique poste frontière terrestre de Wagah-Attari, ouvrir d’autres axes routiers au trafic commercial, ouvrir deux filiales bancaires d’un pays dans l’autre, identifier les secteurs économiques se prêtant à la coopération (pétrole, énergie électrique, agriculture, textile, pharmacie).

Le premier Sommet indopakistanais des jeunes entrepreneurs s’est tenu le 29 octobre 2013 à Islamabad, dans le cadre conjoint de la Chambre de commerce et d’industries d’Islamabad et de l’Alliance des jeunes entrepreneurs du Commonwealth, section Asie (Bangladesh, Brunei, Inde, Malaisie, Maldives, Pakistan, Singapour et Sri Lanka)

All-India Association of Industries (AIAI) et la Federation of Pakistan Chambers of Commerce and Industry (FPCCI) ont engagé des discussions le 8 octobre 2013 en vue de promouvoir le commerce (coentreprises, collaborations, transfert de technologie, foires et salons) et les investissements entre les deux pays.

La seconde réunion du India-Pakistan Joint Business Council s’est tenue à New Delhi en octobre 2013. Ce Conseil, mis en place par les deux ministres chargés du commerce comprend 15 personnalités du monde des affaires pour chacun des deux pays. La première réunion avait eu lieu à Islamabad en juin 2013.

La première coentreprise indopakistanaise a vu le jour. IWM Interwood Mobel Private Limited est la première coentreprise (joint venture) indo-pakistanaise à 50/50 a vu le jour le 16 septembre 2013 entre un industriel du bois d’Amritsar, Pardeep Sehgal, et la société Farooq A Malik installée à Lahore. Cette nouvelle société disposera en Inde d’un espace d’exposition de mobilier fabriqué au Pakistan, à Chandigarh. 41 sociétés indiennes attendent de pouvoir investir au Pakistan. Economic Times (Chandigarh), 16 septembre 2013.

Commerce transfrontalier au Cachemire. Un groupe de travail chargé de suivre trimestriellement le suivi des décisions prises au niveau des autorités locales du district de Poonch, situé à 100 km à l’est d’Islamabad, concernant toute affaire relative à la Ligne de Contrôle s’est réuni le 11 octobre 2013.

Premier voyage de responsables économiques pakistanais en Inde

Lundi 4 novembre 2013. À l’invitation de son homologue indien, Anand Sharma, le ministre du commerce du Pakistan, Makhdoom Amin Fahim, et une délégation de 60 hommes d’affaires pakistanais se sont rendus  en Inde. 28 secteurs industriels étaient représentés : textile, ciment, produits et équipement agricoles, cuir, matières plastiques, pétrole, ingénierie…). Il s’agit d’une première depuis 30 ans. Plus de 250 rendez-vous « business-to-business » ont été prévus à Mumbai et New Delhi, où se tiendront, en outre, deux « business conclaves » (Pakistan Times, 04/11/2013).

 Visas pour les hommes d’affaires.

Des discussions ont lieu pour élargir la validité de ces visas à l’ensemble de chacun des deux pays, alors qu’ils ne le sont actuellement que pour 10 villes. Une telle mesure est nécessaire au développement du commerce et du tourisme. Déjà, en septembre 2012, mettant fin au régime des visas en vigueur depuis 38 ans, une nouvelle catégorie de visas était établie, notamment pour les pèlerins, les personnes âgées et les hommes d’affaires produisant une certaine somme d’argent par an, avec une augmentation du nombre de villes disponibles pour ces nouveaux visas. Le Pakistan souhaite que les visas d’affaires puissent être établis pour de longues durées et autorise des entrées multiples.

Banques

La Banque d’État du Pakistan autorise désormais l’ouverture de filiales des banques pakistanaises en Inde, par contre son homologue indien temporise.

Relations en matière d’infrastructures

Commission Permanente de l’Indus. La 109e session de cette Commission s’est ouverte à New Delhi le 23 septembre 2013. Elle a examiné les 4 projets hydroélectriques projetés par l’Inde (plus de 2 000 MW cumulés) sur le cours de la Chenab (Jammu et Cachemire) et contestés par le Pakistan (réduction de débit pénalisant l’agriculture en aval). Bien que l’Inde se soit efforcée de dissiper les craintes de la Commission, la session s’est terminée sans parvenir à un accord. Les deux parties sont d’accord pour poursuivre leurs discussions lors de la prochaine réunion. La discussion a également porté sur le projet de la Kishanganga.

Le Pakistan approuve l’importation d’électricité indienne

Le Premier ministre du Pakistan, Nawaz Sharif, a approuvé le 24 septembre 2013, l’importation de 500 MW d’électricité en provenance de l’Inde. Bien que l’offre, formulée par Delhi en avril 2011, ait fait l’objet d’un memorandum of understanding signé par les deux pays, aucune décision sur les tarifs n’avait été prise. C’est chose faite.

Inde va exporter du gaz vers le Pakistan

L’Inde vient de requérir la garantie de l’État pakistanais pour construire un gazoduc de 110 km de Jalandhar à la frontière près d’Attari. Gas Authority of India Limited (GAIL) prévoit de fournir au Pakistan 5 millions de m3 de gaz naturel par jour. Il s’agit d’une partie d’un projet plus vaste. GAIL de propose d’importer du gaz naturel  liquéfié qui lui sera livré dans un port du Gujarat ou du Maharashtra pour alimenter le réseau national de gazoducs. C’est de ce réseau qu’à Jalandhar une branche sera construite en direction du Pakistan. Cinq rencontres ont été nécessaires pour établir les termes du contrat. Il s’agit d’un essai avant-coureur, après mise au point, de livraisons plus importantes de gaz en provenance du gazoduc Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde (TAPI).  Hindu Business Line, November 2, 2013.

Lacunes. Les télécommunications, notamment pour la téléphonie mobile doivent être sérieusement améliorées et la « connectivité » transfrontière reste encore en suspens.

Clause de nation la plus favorisée IndePakistan.

Alors que l’Inde a accordé la clause de nation la plus favorisée au Pakistan en 1996, le Pakistan n’a pas encore décidé d’en faire autant avec l’Inde malgré les gains importants qu’il en retirerait en supprimant les barrières encore dressées. Selon la Banque Mondiale, les exportations du Pakistan vers l’Inde progresseraient de 202 % ! Islamabad a déclaré à plusieurs reprises, la dernière fois le 27 septembre 2013, ne pas vouloir envisager d’accorder à l’Inde la clause de MNF tant que dureront les tensions sur la frontière, tout en notant que les discussions ont enregistrés des progrès substantiels depuis 2011. Il semble de plus que certains secteurs économiques ne soient pas encore prêts à une large ouverture avec l’Inde, ce qui peut laisser penser que le motif des tensions frontalières ne soit qu’un prétexte pour la retarder.

Existence d’une South Asia Foundation.

Échanges commerciaux

Le commerce intra-régional se traîne depuis plusieurs décennies à quelque 4 % seulement du volume  total des échanges de la sous-région d’Asie du Sud, en dépit de leur proximité géographique et culturelle. Ce chiffre contraste avec ceux du commerce intra-régional d’Afrique (15 %), d’Asie du Sud-Est (26 %) et d’Asie orientale (50 %). Entre l’Inde et le Pakistan, l’activité économique a longtemps été réduite à la portion congrue – en fait, jusqu’à aujourd’hui. En 2009, seul 1% du commerce indien se faisait avec le Pakistan, et à peine 1,7% de commerce pakistanais se faisait avec l’Inde.

 

Des progrès sont enregistrés. Entre 2004 et 2011, le commerce entre ces deux pays a été multiplié par 9, soit une augmentation de 2,7 milliards de dollars et la tendance devrait se confirmer après la mise en œuvre de plusieurs accords clés signés en septembre 2012. Le chiffre du commerce total entre les deux pays est passé, entre 2011 et 2012, de 1 942,76 à 2 351,09 millions de dollars. Il est attendu à 6 milliards de dollars au cours des deux prochaines années (2014-2015). Entre avril 2012 et mars 2013, le commerce bilatéral entre les deux pays a augmenté de 21 %, avec un gain pakistanais supérieur au gain indien. Plus précisément, les exportations du Pakistan vers l’Inde (513 millions de dollars sur 12 mois entre avril 2012 et mars 2013) a augmenté de 28 %, celles de l’Inde vers le Pakistan (1, 4 milliards de dollars durant la même période), de 19 % (Directorate General of Commercial Intelligence and Statistics, Ministry of Commerce and Industry India).

Actuellement, la majeure partie des échanges commerciaux s’effectue via Dubaï.

Les deux pays se sont accordés sur une feuille de route pour des « Arrangements  commerciaux préférentiels » dans le cadre des procédures établies pour la Zone de libre échange d’Asie du sud, SAFTA, South Asia Free Trade Area.

Le Pakistan a modifié son régime douanier, passant d’un liste, limitative (Positive List regime), de produits autorisés à une liste des seuls produits prohibés (Negative List regime), ce qui élargit considérablement le potentiel de développement des échanges avec l’Inde.

Voir : http://www.indiapakistantrade.org/

Investissements

L’Inde autorise depuis août 2012 les investissements directs étrangers provenant du Pakistan. Les citoyens pakistanais ou toute entité basée au Pakistan peuvent investir en Inde, sauf dans les secteurs de la défense, du nucléaire et du spatial. Le secteur textile pakistanais, spécialisé dans différents types de coton, prévoit d’ores et déjà d’accéder au large marché indien. Le secteur de la mode pourrait en bénéficier (les modèles pakistanais ont fortement gagné en popularité auprès des consommateurs indiens).

Par ailleurs, New Delhi a libéralisé les flux d’investissement destinés au Pakistan, qui préserve toutefois quatre secteurs (agriculture, services, infrastructures, activités sociales) de l’investissement étranger.

Selon un quotidien pakistanais, l’ouverture économique a « le potentiel de remodeler drastiquement l’économie pakistanaise. »

Les transports.

Voies ferrées. Avant la partition, 8 lignes de reliaient l’Inde et le Pakistan ; il n’y en a aujourd’hui plus que deux. La première, sur laquelle circule le Samjhauta Express (train de l’amitié) traverse la frontière à Wagah entre Amritsar et Lahore. La deuxième, ouverte en février 2006 relie Luni, au Rajasthan  à Khokropar, dans le Sind, via Monaboa.

Services de bus

Une ligne de bus fonctionne depuis 2005 entre Srinagar, capitale d’été du Cachemire indien et Muzaffarabad, capitale de la zone administrée par Islamabad.

La ligne de bus Delhi-Lahore, 470 km, est exploitée par la Delhi Transport Corporation (DTC), deux autres le sont par la Pakistan Tourism Corporation (PTC) : Lahore-Amritsar, 50 km, et Nanakana Sahib-Amritsar, 107 km.

Lignes aériennes. Les liaisons aériennes sont indirectes avec transit dans un des pays du Golfe.

Voie maritime. C’est par la mer, entre Karachi et Mumbai, que se fait l’essentiel du transport de marchandises. Avant que cette liaison ne devienne officielle, c’est par Dubaï que s’effectuaient les échanges commerciaux.

AttariWagah, « le » point de passage.

Sur près de 3 000 kilomètres de frontières communes, on ne compte qu’un seul un poste de douane ouvert, à Attari-Wagah, sur la ligne de chemin de fer Islamabad-Lahore/Amritsar-Delhi. Attari et Wagah sont deux localités distantes de 3 km. Le point de contrôle intégré et modernisé, Integrated Check Post, ICP, a été ouvert à Attari le 13 avril 2012. Il permet de traiter dix fois plus de chargements qu’auparavant. De son côté, le gouvernement pakistanais recherche l’assistance de la Banque asiatique de développement pour y améliorer notablement les contrôles douaniers et policiers et réduire les temps d’attente à ce point de passage entre les deux pays, où le trafic est en forte croissance, quelque 500 camions depuis l’ouverture de l’ICP.

Le gouvernement indien note que les violations du cessez-le feu et le meurtre de soldats n’ont pas d’incidence sur le trafic commercial, dans les deux sens.

La toute première filiale de la National Bank of Pakistan établie au poste frontière (côté pakistanais) de Wagah-Attari a été inaugurée le 9 octobre 2013 pour faciliter le paiement des droits et taxes par les hommes d’affaires indiens et pakistanais et, en accélérant les procédures douanières, supprimer les délais d’attente excessifs coutumiers jusqu’à ce jour (Outlook India.com, October 9, 2013).

 

Un second point, peut être…

Islamabad envisage d’engager les discussions en vue de l’ouverture d’un poste de douane intégré sur la route reliant Khokhrapar à Monabao, qui devrait faciliter les échanges entre le Sindh indien et le Baloutchistan pakistanais.

Les différentes provinces (Cachemire, Rajasthan et Gujarat) font pression pour améliorer les infrastructures de transport transfrontalier à l’instar de ce qui a engagé sur l’axe Attari-Wagah, le seul axe transfrontalier à ce jour.

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