Inde : renforcement de sa frontière orientale avec la Chine en Arunachal Pradesh
Éléments documentaires (mars 2015)
Rémi Perelman, Asie21
Rappel historique
À la différence du reste de l’Union, dont la densité de population est élevée (392 h/km2 en 2014), l’occupation humaine de l’Arunachal Pradesh est restée très faible avec à ce jour moins de 1,4 millions d’habitants, soit 15 au km2. Au fil des siècles, des tribus thaïes et birmanes – la Birmanie faisait partie de l’Empire des Indes – se sont mêlées aux populations descendues du Tibet à la période préhistorique. Sauf dans les peu nombreuses agglomérations – la capitale, Itanagar compte moins à peine 35 000 habitants – on y vit encore aujourd’hui selon le mode tribal. Du groupe mongoloïde des Tani (comprenant différents sous-groupes Adi, Nyishi, Galo, Apa, etc. Ils sont proches des Luoba du Tibet) a émergé un parti, le Conseil national de libération du Taniland, actif en Arunachal Pradesh et en Assam. Les populations des États du Nord-Est sont souvent victimes de discriminations raciales dans le reste du pays, notamment dans les grandes villes. À cet égard, la nomination à un rang ministériel de l’un des leurs, Kiren Rijiju, Secrétaire d’État à l’intérieur a été un geste significatif de la part de N. Modi.
L’Empire britannique des Indes (1858-1947) couvrait l’Inde actuelle, le Pakistan, le Bangladesh et, jusqu’en 1937, la Birmanie. Jusqu’en 1914, la massive barrière himalayenne a de facto tenu lieu de frontière entre l’Empire britannique et le Tibet. Sa délimitation précise ne date que de 1914, selon le tracé dite « ligne McMahon », du nom de l’administrateur de l’époque, formalisée par la Convention de Simla*, paraphée le 3 juillet 1914 par les représentants britannique, tibétain et chinois.La signature de ce dernier a été aussitôt contestée par le gouvernement de la première République de Chine (1912-1949), puis par la République populaire de Chine depuis 1949. Ces deux gouvernements successifs ont revendiqué avec constance la souveraineté chinoise sur cette région qu’ils considèrent comme une partie du Tibet (pays lui-même revendiqué et annexé en 1951). En 1954, l’administration de ce territoire a été confiée à une agence spécialement créée à cette fin, la NEFA (North East Frontier Agency). Alors que le premier Premier ministre de l’Union indienne Jawaharlal Nehru essaye de se rapprocher de Mao Zedong, tous deux dans le camp des pays non-alignés, l’armée populaire de libération, ALP, pénètre au Ladakh, au nord-ouest de l’Inde et s’installe sur le glacier de l’Aksaï Chin. Puis, en octobre 1962, Mao Zedong ayant remis en cause la ligne McMahon, c’est le tour de l’extrémité orientale, très montagneuse, de l’Inde, où l’ALP s’empare de la plus grande partie de la NEFA au cours d’une offensive meurtrière d’un mois (près de 4000 victimes, dont 3000 indiennes). Le cessez-le-feu est déclaré le 20 novembre, l’ALP occupe l’Aksaï Chin. En revanche et bien que victorieuse, elle se retire de la NEFA. Pékin n’en continue pas moins de revendiquer ce territoire, d’où une dispute ravivée périodiquement avec New Delhi. Malgré un accord sino-indien de 2005, censé régler le contentieux frontalier et deux dizaines de réunions de responsables indiens et chinois, jusqu’à celle du 23-24 mars 2015, les violations de « frontière de fait » par les forces chinoises restent fréquentes mais de courte durée, à portée symbolique, à l’instar de piqures d’aiguille. L’État de l’Arunachal Pradesh est né de la NEFA le 20 février 1987.
*http://www.tibetjustice.org/materials/treaties/treaties16.html
L’Arunachal Pradesh, un État fermé
Dès le début du XVIIIe siècle, les Britanniques avaient interdit la région (aujourd’hui Arunachal Pradesh, Nagaland et Mizoram) aux étrangers y compris aux habitants des autres parties de l’Inde ainsi qu’aux missionnaires, pourtant très présents dans l’État voisin de l’Assam et dans le reste du nord-est. À l’indépendance, en 1947, le gouvernement choisit de maintenir cette politique, tout particulièrement parce que la Chine communiste commençait de menacer le Tibet. Enfin, la cinglante défaite de 1962 ayant causé en Inde un traumatisme durable, les divers gouvernements de l’Union indienne qui se sont succédés depuis cette année fatidique ont, jusqu’en mai 2014, adopté l’attitude héritée du passé, consistant à laisser l’Arunachal Pradesh à l’écart de tout développement et le maintenir dans son état d’origine pour renforcer son caractère d’obstacle naturel – montagneux et boisé –, de crainte de faciliter la progression ennemie par des infrastructures modernes. Et ce, jusqu’à Manmohan Singh, le prédécesseur de N. Modi. Il avait clos la frontière, interdit toute opération de développement, empêché l’accès de la région aux civils et s’était contenté, avant de quitter son office, de signer avec Pékin un Accord de coopération de défense des frontières (Border Defense Cooperation Agreement, BDCA), vague mécanisme supposé résoudre les crises en cas d’incident. Aujourd’hui encore, l’entrée est restreinte : soumise à l’obtention d’un Inner Line Permit, l’ILP.
L’Arunachal Pradesh, un État vulnérable
L’Arunachal, qui s’inscrit entre trois pays (Bhoutan, Chine, Birmanie), est d’importance stratégique. Stratégique et vulnérable. Du plateau tibétain, à plus de 4000 mètres d’altitude, les forces chinoises sont en position avantageuse par rapport à l’armée indienne déployée sur les contreforts himalayens. En l’absence d’occupation humaine suffisante, les incursions ennemies (l’armée chinoise procède le plus souvent avec des patrouilles) sont difficiles à détecter rapidement. En retour, le déplacement de troupes de protection est freiné par l’absence d’infrastructures de transport et limité à l’emploi d’hélicoptères pour le combat au sol.
Conscient de cette vulnérabilité et de la nécessité de parler d’égal à égal à la Chine, le gouvernement indien de N. Modi veut à la fois relever le niveau de son armée et rattraper le retard pris sur le dispositif chinois au Tibet en « durcissant » la région frontalière orientale. Ce faisant, il prend l’exact contrepied de la politique de ses prédécesseurs et promet de faire plus en 5 ans que ses prédécesseurs en 28 et choisi un homme dynamique, natif de l’Arunachal Pradesh, comme Secrétaire d’État à l’intérieur, Kiren Rijiju (annexe), chargé de gérer le programme de développement.
« Durcir » la région frontalière de l’Arunachal Pradesh avec la Chine/Tibet
Pour rattraper le retard pris sur le dispositif chinois observé de l’autre côté de la frontière et se protéger des infiltrations à l’instar de ce qui se constate en Birmanie, le gouvernement indien a décidé de densifier l’occupation humaine, civile et militaire, de la région frontalière et, plus précisément, dans la bande de 50 km de profondeur à partir de la frontière chinoise. D’abord, il convenait de remédier au dramatique sous-équipement en infrastructures de transport de l’Arunachal Pradesh, resté très mal desservi en raison de la volonté politique des gouvernements antérieurs évoquée plus haut (ou de la négligence) et d’un redoutable relief montagneux, nécessitant de nombreux et coûteux ouvrages d’art pour le passage routier et ferré.
Désenclavement ferroviaire
N. Modi a voulu donner du relief à l’inauguration d’un fait somme toute métaphorique ; l’inauguration des 22 derniers km du tronçon de voie ferrée Naharlagun-Harmuti qui relient désormais la capitale de l’Arunachal Pradesh, Itanagar, au réseau national, mettant symboliquement cet État reculé et jusqu’à présent relégué aux oubliettes par le pouvoir central. Le symbole est d’autant plus allusif que le terminus se situe en réalité à Naharlagun, à 10 km en contrebas de la capitale, bâtie sur les contreforts du massif himalayen.
Malgré les vigoureuses protestations de Pékin, « diamétralement opposé » à ce déplacement, le Premier ministre s’y est rendu pour l’inauguration le 20 février 2015, jour du 29e anniversaire de la fondation de l’Arunachal Pradesh. Le Naharlagun-New Delhi AC Express (2139 km, 38 h. de voyage) ainsi reliera chaque semaine Naharlagun à la capitale de l’Union indienne, tandis qu’un Intercity assurera une liaison quotidienne Naharlagun-Guwahati, ville qui permet d’accéder à un aéroport. Guwahati est la quasi capitale de État d’Assam, Dispur, la capitale administrative n’étant qu’une de ses banlieues. Après Guwahati, Itanagar est la capitale du second des huit États du Nord-Est à être reliée au réseau national.
Lors de cette inauguration, N. Modi a annoncé la mise à l’étude de la ligne devant relier Missamari/Tezpur (Assam) à Tawang à 3048 m d’altitude (378 km). Cette annonce, médiatisée, revêt une signification toute particulière pour les bouddhistes, en même temps qu’un véritable coup de griffe pour Pékin. Tawang, qui n’est situé qu’à 35 km de la frontière chinoise, a en effet une signification politique autant que religieuse et touristique, tenant à l’existence d’un spectaculaire monastère bouddhiste fortifié. Proche du lieu de naissance du 6e Dalai Lama, berceau du bouddhisme mahayana – dit du Grand Véhicule –, construit au 17esiècle à 3 300 m d’altitude, second plus important monastère au monde après le Potala de Lhassa, il compte aujourd’hui 450 moines. Aux yeux de Pékin, les liens historiques tissés entre Tawang et Lhassa justifient ses revendications sur l’ensemble de la partie septentrionale de l’État, comme appartenant à la Région Autonome du Tibet ; par ailleurs, ce qui n’est pas négligeable, Tawang dispose de prometteuses ressources minières.
Outre la ligne devant desservir Tawang, deux autres liaisons ferroviaires sont étudiées : 1) Pasighat-Tezu-Rupai (227 km) ; 2) North Lakhimpur-Bame (Along)-Silapathar (249 km).
Désenclavement aérien
L’Arunachal Pradesh était jusqu’à ce jour à l’écart de toute liaison aérienne à l’exception d’un héliport proche d’Itanagar. L’aéroport le plus proche de la capitale est situé à Lilabari (Assam), à 67 km et le suivant à Dimapur, à 484 km. Le gouvernement central y prévoit l’implantation de 6 aéroports ou aérodromes ainsi que plusieurs héliports. La décision a été prise les 29-30 janvier 2015, lors d’une réunion entre les Chief ministers des huit États du Nord-Est et le ministre de l’aviation civile, Ashok Gajapathi Raju Pusapati, a été dépêché sur place par le Premier ministre avec instruction de passer rapidement à l’action pour sortir de la situation d’isolement d’une région sensible du fait de sa proximité avec la Chine.
Le premier de ces aéroports, à Tezu, sera opérationnel en janvier 2016, si tout se passe bien, car ce qu’entreprend aujourd’hui l’Inde sur son flanc sud ne plaît pas à la Chine (voir ci-après). Le second, à Holangi, est précisément empêtré dans un contentieux foncier. Les quatre autres aéroports, dont les études de faisabilité sont engagées, seront situés à Tawang, Daparizo, Anini et Koloriang. Cette série d’aéroports/aérodromes dans l’Arunachal Pradesh entre dans le plan gouvernemental de création de « low-cost airports » près des villes moyennes pour accroître leur connectivité et vient compléter ceux qui sont déjà en service dans les autres États du Nord-Est : Lilabari et Guwahati (déjà évoqués, Assam), Dibrugarh (Assam également), Dimapur (Nagaland), Shillong (Meghalaya), Imphal (Manipur) et Agartala (Tripura). Par ailleurs, des efforts de modernisation des infrastructures civiles existantes et d’amélioration des appareils en service répondent au coup de semonce de la Federal Aviation Administration (FAA), le régulateur fédéral américain qui a dégradé la sécurité de l’aviation indienne à la Catégorie-II, au moment où l’ambition de New Delhi est de faire de l’Inde un hub pour la maintenance aérienne mondiale (maintenance, repair and overhaul, MRO).
Développement de la bande frontalière
L’absence d’infrastructures et d’équipements collectifs a amené, avec une poussée au cours des cinq dernières années, la population frontalière à abandonner champs et habitations pour s’installer plus bas, au pied des collines, laissant le champ libre aux incursions chinoises.
Les plans de quasi-reconquête prévoient de densifier l’occupation humaine sur 50 km de profondeur le long de la frontière : 1 800 km de routes, ainsi que de nombreux nouveaux villages seront construits en dépit d’un redoutable relief montagneux. Lequel offre en retour un double potentiel : 1) hydroélectrique de 60 000 MW – dont 41 400 sont en cours de développement et un réseau de transport de 132 KV à compléter (5 districts sur 20 de l’Arunachal Pradesh sont desservies en électricicité) ; 2) le potentiel touristique est massif (qualité des milieux naturels et des paysages de montagne ; point d’attraction particulier du monumental monastère de Tawang). Au total, une dotation de 40 milliards de dollars environ est inscrite au budget au profit de l’Arunachal Pradesh et les États voisins du nord-est. Sur cette somme, plus de 830 millions de dollars est affectée aux équipements collectifs destinés aux « colons » (écoles, dispensaires, mini-centrales électriques, etc.).
Narendra Modi veut sortir l’Arunachal Pradesh de son retard économique et en faire un centre de rayonnement de l’agriculture intensive fondée sur les engrais organiques et de l’horticulture, notamment en y implantant six nouvelles universités agricoles. L’accès à la connectivité 2G, 3G et 4G devrait être garantie à chacun (facteur d’effficacité pour les entreprises, de désenclavement pour les individus, accès à l’enseignement et au conseil à distance, etc.). La région sera dotée de 18 nouveaux canaux de radio (FM). Il s’agit de rompre résolument avec le manque d’attention des autorités centrales dont l’État a souffert depuis longtemps et de compenser le handicap de l’éloignement. Modi a enjoint à ceux de ses ministres concernés de se rendre deux fois par mois dans la région pour en superviser la mise en œuvre des mesures annoncées et financées.
Il s’agit, certes de mieux occuper le terrain en attirant des paysans, mais s’y ajoute un brin de concurrence vis-à- vis des Chinois. Ceux-ci font valoir que, de leur côté, les ressortissants de la RPC sont beaucoup mieux lotis que les pauvres Indiens, abandonnés par leur gouvernement (ce qui était vrai jusqu’à il y a peu). La Chine espère sans doute qu’un jour, qu’avec ou sans référendum, les voisins du sud voudront pouvoir profiter de sa générosité et la rejoindront… Là est la force du « métamorphisme » chinois. Dans un message au Premier ministre N. Modi, le gouverneur de l’Arunachal Pradesh, le général de corps d’armée en retraite Nirbhay Sharma, attirait son attention sur le fait que si l’Inde échouait dans ses efforts de rendre « activement » habitable les zones disputées – entre l’Inde et la Chine – « une assimilation progressive de notre région par la Chine aurait de grandes chances de se produire, à la façon dont on peut déjà l’observer dans le nord de la Birmanie » (et sans doute du Laos). Il terminait son message en mettant l’accent sur la nécessité d’entreprendre le projet « sur un pied de guerre ».
Ces dispositions sont de type dual : faciliter la vie des communautés rurales étoffées et participer à la défense du territoire en offrant les infrastructures nécessaires au fonctionnement optimal des troupes, des bases aériennes permettant la desserte par lignes régulières civiles, les hôpitaux militaires assumant la fonction de dispensaires pour les populations locales, l’amélioration des télécommunications, etc.
L’obstruction chinoise, subreptice
Les opérations de « durcissement » dans la bande frontalière et son périmètre méridional doivent compter avec les agissements des services spéciaux chinois, à l’œuvre pour les retarder, voire les empêcher. Il leur est facile d’attiser les situations sources de contentieux voire de conflits. D’abord, le règlement des acquistions foncières par la collectivité, par le versement d’indemnités de réinstallation des agriculteurs dont les champs sont concernés donne partout lieu à d’âpres débats. Il est donc aisé de souffler sur les braises pour faire durer les négociations : c’est le cas à Holangi, pour le second aérodrome, suspendu au contentieux soulevé par 145 familles qui a vu le montant des indemnités passer de 23 à 103 millions de dollars, une ponction qui va se faire au détriment d’autres opérations, au mieux, en les ralentissant. Entraver l’avancement d’un chantier est également un jeu d’enfant. Ainsi, le futur aéroport/aérodrome de Tezu a subi des retards d’exécution à la suite de la condamnation d’un ingénieur aéroportuaire à trois mois de prison sur la foi de fausses accusations et du passage à tabac du responsable de l’entreprise chargée des travaux. Enfin, le tissu tribal est propice aux irrédentismes pour peu qu’il y ait injustice ou vexation et, que de surcroît la proximité ethnique soit mise à profit pour s’assurer des complicités.
Relever le niveau de l’armée, localement et sur le plan national
Le renforcement s’entend sur deux plans complémentaires : améliorer l’efficacité des militaires sur le terrain de manière à dissuader les incursions de harcèlement, disposer d’une capacité défensive sur le plan national apte à stopper toute volonté d’escalade et à amener à un dialogue d’égal à égal avec Pékin.
Renforcement local
Sur le front du Nord-Est, la courte guerre de 1962 fut particulièrement brutale pour les troupes indiennes, mal entraînées au combat en haute altitude et lourdement handicapées par la grande difficulté d’assurer les chaînes d’approvisionnement. Les leçons en sont tirées.
La région se renforce sur le plan militaire : l’armée indienne prévoit de recruter sur cinq ans 100 000 soldats, dont deux divisions d’infanterie de montagne, soit 36 000 hommes, pour les déployer aux abords de la ligne de contrôle, de construire à cette fin 54 bases militaires desservies par une route de 2 000 km le long de la ligne McMahon (de Mago-Thingbu, district de Tawang à Vijaynagar, district de Changlang*) et d’installer des missiles de croisière. Dans l’ensemble des zones frontalières, elle lève des troupes spéciales, en recrutant parmi les populations locales, et modernise ses terrains d’aviations. L’Indian Air Force, IAF a déjà déployé deux escadres d’avions de combat Sukhoi à proximité de l’Arunachal Pradesh, sur la base de Tezpur (Assam).
NB. Une partie de ce plan, son angle militaire, avait été envisagée sous le gouvernement précédent : doubler les effectifs de la Indo-Tibetan Border Police ; ajouter les 54 postes militaires le long de la frontière et faire montre d’une attitude plus résolue pour décourager les incursions de patrouilles chinoises.
* http://en.wikipedia.org/wiki/Mago-Thingbu_to_Vijaynagar_Border_Road
Renforcement national
Les postures de l’Inde vont se durcissant : ses états-majors envisageraient un scénario de conflit armé sur « deux fronts » simultanés, face au Pakistan et à la Chine, et planifieraient la structure de leur force en conséquence. L’étroite coopération, notamment militaire, entre Islamabad et Pékin est une source de préoccupation intense à New Delhi. L’armée pakistanaise est équipée à 60 % d’armes chinoises, notamment les chasseurs J-10 de troisième génération.
C’est dans ce contexte général que les militaires indiens ont pris livraison, le 25 mars 2015, sur la base aérienne d’Istres, en France, des deux premiers appareils rénovés par Dassault Aviation-Thales (nouvelle avionique ; radar plus puissant ; équipements de guerre électronique – détection des menaces et envoi de leurres) et MBDA (fourniture de 500 missiles air-air Mica), dans le cadre d’un accord de 2011 portant sur la modernisation de 51 Mirage 2000H acquis au milieu des années 1980. Les deux premiers Mirage 2000 ont été adaptés en France, les autres le seront en Inde par le groupe Hindustan Aeronautics Ltd. (HAL). Les opérations de mises à jour devraient durer jusqu’en 2020.Les nouveaux standards permettront de prolonger la vie des appareils de vingt à vingt-cinq ans. Cette opération en cours intervient dans l’attente de la décision indienne d’acquérir 126 Medium Multi-Role Combat Aircraft (MMRCA). Le choix final, a priori favorable au Rafale, pourrait être troublé par l’offre russe de Soukhoi Su-30 MKI. Cette hypothèse bien qu’évoquée d’une manière inattendue par le ministre indien de la défense Manohar Parrikar le 30 décembre 2014 ne semble pas du goût de la haute hiérarchie de l’Indian Air Force qui sait d’expérience que, outre quelques incidents survenus à quatre reprises sur ses sièges éjectables, la motorisation de cet appareil (le Saturn AL-31s) n’est pas sans défaut. En cas de commande confirmée, Dassault Aviation s’est engagé à produire les 18 premiers Rafale en France, l’assemblage des 108 suivants étant réalisé en Inde.
[Précisions sur le débat Rafale/Su-30 MKI : http://www.livefistdefence.com/2015/03/rafale-vs-su-30mki-new-indian-dogfight.html, 23/03/2015 et sur les problèmes de motorisation : http://www.strategypage.com/htmw/htatrit/articles/20140730.aspx du 30/07/2014].
ANNEXE
Kiren Rijiju, Secrétaire d’État à l’intérieur (Home Affairs), originaire de l’Arunachal Pradesh. Ce juriste de formation (né en novembre 1971 dans une famille ayant eu des responsabilités politiques, impliqué dans des mouvements d’action sociale, parlementaire actif, Secrétaire national du BJP dont il est le porte-parole dans les États du NE, et de surcroît… sportif de haut niveau) est probablement l’inspirateur de cette politique (« A massive road network, telecommunication, landing ground and facilities to be created for security forces, amenities and access to people »). Au ministère de l’intérieur il est en charge de la modernisation de la police, de l’octroi des visas aux étrangers et de la gestion des désastres naturels. Mission particulière confiée par le Premier ministre auquel il rend compte : l’aménagement des territoires frontaliers (comprenant la création des infrastructures). Le ministre auquel il est rattaché, Rajnath Singh et son collègue, ministre chargé des travaux publics, lui laissent les coudées franches pour la mise en œuvre de cette mission dans son État d’origine. Il a en main les atouts nécessaires pour réussir.
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