« La mission principale de la BAII est de promouvoir le développement social et économique de l’Asie en investissant dans des projets qui relieront la population, les services et les marchés » (Jin Liqun, président).
En 2017, la BAII se concentrera sur trois objectifs
- Infrastructure durable et lutte contre le réchauffement climatique – infrastructure verte, transports propres, énergies renouvelables, efficacité énergétique. Aide aux pays pour atteindre leurs objectifs en matière de développement et d’environnement.
- Connectivité transfrontalière – routes, chemins de fer, ports, énergie et télécommunications en Asie centrale, routes maritimes du Sud-Est, en Asie du Sud, au Moyen-Orient et au-delà.
- Mobilisation des capitaux privés – en partenariat avec les banques multilatérales de développement, les gouvernements.
Ayant en tête que la BAII est entrée en service le 1er janvier 2016, l’examen des premiers projets approuvées durant la période allant de cette date au 15 juin 2017 permet de tracer l’itinéraire de départ d’une banque dont la naissance a fait couler beaucoup d’encre.
En bref : Au cours de ses premiers 18 mois d’existence la BAII a approuvé 16 projets situés dans 9 pays. Elle y a investi 2,5 milliards de dollars (exactement 2,499) dans les trois secteurs suivants (en millions de dollars et %, chiffres arrondis) :
- l’énergie : 1 365 (54,6 %),
- le multi-secteur : 591,5 (23,7 %),
- les transports : 542,5 (21,7 %).
Le montant global des projets s’élevant à 13 623 milliards, sa participation moyenne a été de 18,34 %, avec des proportions sensiblement différentes selon les secteurs, ordonnée selon l’ordre inverse du chiffre des montants :
- 12 % dans l’énergie ;
- 40 % dans le multi-secteur ;
- 48 % dans les transports.
Trois remarques peuvent être faites d’emblée
- L’absence des nouvelles Routes de la soie. Assez curieusement, elles n’apparaissent pas dans cette première série de projets. Alors que la BAII leur a été étroitement associée, quasiment aucun projet ne s’y réfère, y compris pour celui qui en serait le plus proche, le projet n° 1, inaugural (National Motorway M-4 Project), qui s’en tient à la neutralité de cette simple mention : The national motorway M-4, connecting Faisalabad with Multan, will be part of the north-south transport corridor. Cet axe Islamabad-Karachi, qui relie Karachi à Kachgar au Xinjiang, concrétise pourtant l’une des deux variantes routières du Corridor économique Chine-Pakistan, consacré par l’ensemble des médias, notamment chinois, comme un des fleurons de la Route de la soie.
- Cette observation se renforce de la comparaison du poids relatif des secteurs considérés par la BAII. Le transport, attribut majeur de la Route de la soie, ne vient en effet qu’en dernière position, avec à peine plus du cinquième des prêts accordés malgré une forte implication (48 %), à l’inverse de la part majeure consacrée à l’énergie, malgré une faible participation de 12 %.
- La localisation des projets est asiatique (Il ne s’agit pas d’un truisme : l’arrivée de nouveaux membres du continent africain et d’Océanie laisse prévoir des projets hors du content eurasiatique).
- L’échantillonnage, globalement équilibré, exclut toutefois l’Asie orientale, ce qui est compréhensible, la Chine ne pouvant paraître se servir, tandis que le Japon et la Corée du Sud seraient plutôt du côté des financiers.
- L’Asie du Sud, 6 projets (37,4 % des prêts de cette série), avec le Pakistan, l’Inde et le Bangladesh, 2 chacun ;
- L’Asie centrale et le Caucase, 4 projets (32,0 %), avec 2 pour le Tadjikistan, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, 1 chacun ;
- L’Asie du Sud-Est, 3 projets (18,5 %), avec 2 pour l’Indonésie et 1 pour la Birmanie ;
- Le Golfe, 2 projets liés pour Oman (12,0 %). Cet émirat peut paraître périphérique mais il est significatif à deux titres : l’approvisionnement pétrolier et sans doute la Route maritime de la soie : face au port pakistanais de Gwadar et à son Corridor qui tient tant au cœur de Pékin et à proximité de Djibouti où la Chine s’est largement installée. Oman y fonctionnerait comme un trait d’union. On aura noté qu’il bénéficie presque autant de la BAII que l’Asie du Sud-Est.
- Un début d’explication. Il serait présomptueux de vouloir analyser la politique de la BAII à travers cette première fournée de décisions. Mais on peut supposer que pour la période de démarrage sous les yeux des critiques, la BAII n’a voulu prendre aucun risque – particulièrement celui d’apparaître comme un instrument de la volonté de puissance de Pékin – et que les projets candidats représentaient surtout des projets pratiquement prêts, largement financés et auxquels le complément de la BAII (un peu moins de 20 % en moyenne) pouvait donner vie. Le co-financement lui aura permis de rentrer en collégialité et de se hisser au niveau des vieux routiers du financement pour le développement et, de se banaliser d’emblée. Ces projets retenus résultent largement de politiques nationales voire locales et ne portent apparemment pas l’empreinte d’une quelconque stratégie chinoise. La prudence d’une période de rodage technique ainsi que la précaution diplomatique semblent bien caractériser les premières décisions.
- Il faudra suivre attentivement les séries suivantes pour savoir si la BAII se contentera de procéder à la manière des banques institutionnelles de développement sur lesquelles elle a calqué son mode de fonctionnement ou si, progressivement, des projets porteront plus visiblement la marque de Pékin.
Tableau des projets approuvés pour la période 01/01/2016 – 15/06/2017
* T – : transport ; É – : énergie ; M – : multi-secteur
N° BAII | Pays
Intitulé BAII du projet |
Nature du projet*
Dates d’exécution |
Participation BAII/coût global du projet & %
millions de dollar |
Cofinanceurs
|
1 | Pakistan
National Motorway M-4 Project |
T* – Construction de la section Shorkot-Khanewal, 64 km, de la route M-4 (partie du Corridor économique sino-pakistanais)
06/2016 – 06/2020 |
100/273
36,6 % |
– Banque asiatique de développement (100)
– Royaume-Uni (Département du développement international) |
2
|
Tadjikistan
Dushanbe-Uzbekistan Border Road Improvement Project |
T – Réhabilitation sur 5 km de la sortie ouest de Douchanbé
Dates non mentionnées |
27,5/106
25,9 % |
– Banque asiatique de développement
– Banque européenne pour la reconstruction et le développement |
3 | Indonésie
National Slum Upgrading Project |
M – Amélioration des services urbains dans 154 villes
09/2016 – 06/2021 |
216,5/1 743
12,4 % |
– Banque mondiale (216,5)
– autres financeurs |
4 | Bangladesh
Distribution System Upgrade and Expansion Project |
É – Construction et équipement de stations de transformation et lignes de desserte électrique de 12,5 millions d’habitants en zones urbaine et rurale.
07/2016 – 06/2019 |
165/262,29
62,9 % |
– Gouvernement du Bangladesh |
5 | Pakistan
Tarbela 5 Hydropower Extension Project |
É – Équipement du 5e tunnel d’un barrage datant de 1970 et distribution électrique | 300/823,5
36,4 % |
– Banque mondiale (390)
– Gouvernement du Pakistan (133,5) |
7 | Birmanie
Myingyan Power Plant Project (Mandalay Division) |
É – Financement de la dette des capitaux empruntés pour la construction d’une centrale thermique au gaz de 225 MW) | 20
– |
– International Finance Corporation
– Banque asiatique de développement – autres financeurs, banques commerciales |
9 | Inde
Andhra Pradesh 24×7 – Power For All |
É – Amélioration de la distribution d’électricité et aide aux compagnies de distribution
12/2017 – 12/2019 |
160/571
28,0 % |
– Banque mondiale (240)
– Gouvernement de l’Andhra Pradesh (171) |
10 | Indonésie
Dam Operational Improvement and Safety Project Phase II |
M – Amélioration de la sécurité et de la gestion de 63 barrages-réservoirs (alimentation en eau potable et irrigation)
01/2017 – 11/2022 |
125/300
41,6 % |
– Gouvernement indonésien (50)
– Banque internationale pour la reconstruction et le développement (125) |
11 | Azerbaïdjan
Trans Anatolian Natural Gas Pipeline Project (TANAP) |
É – Participation au gazoduc de 1 850 km entre le gisement de Shah Deniz 2, la Turquie et l’Europe.
02/2017 – 01/2021 |
600/8 600
7 % |
– Banque mondiale (800)
– Banque européenne pour la reconstruction et le développement et banque européenne d’investissement (2 100) – autres financeurs (3 000) |
12 | Indonésie
Regional Infrastructure Development Fund Project (RIDF) |
M – Participation au RIDF, l’intermédiaire financier de la BAII (prêts aux collectivités territoriales pour leurs infrastructures de base)
04/2017 – 12/2020 |
100/406
24,6 % |
– Banque mondiale (100)
– Gouvernement indonésien (203) – Secrétariat suisse pour les affaires économiques (3), via BM
|
13 | Oman
Duqm Port Commercial Terminal and Operational Zone Development Project |
T – Travaux d’aménagement portuaire et équipement logistique
01/2017 – 06/2020 |
265/353,33
75 % |
– Special Economic Zone Authority Duqm (88,33) |
14 | Oman
Railway System Preparation Project
|
T – Études préalables à la création de la desserte ferroviaire du port de Duqm, des centres urbains et zones minières d’Oman
01/2017 – 12/2018 |
36/60
60 % |
– Oman Global Logistics Group, OGLG (24)
|
15 | Bangladesh
Natural Gas Infrastructure and Efficiency Improvement Project
|
É – Équipement de têtes de puits et gazoduc Chittagong – Bakhrabad, 181 km
01/2017 – 12/2021 |
60/453
13,2 % |
– Banque asiatique de développement (167)
– Gouvernement du Bangladesh (226) |
18 | Tadjikistan
Nurek Hydropower Rehabilitation Project, Phase I |
É – Réhabilitation de 3 unités de la centrale hydroélectrique Nurek, renforcement de la sécurité du barrage
06/2017 – 06/2023 |
60/350
17,1 % |
– Banque mondiale (225,7)
– Banque eurasiatique de développement (40) |
21 | Géorgie
Batumi Bypass Road Project
|
T – Construction de 14 km de route (contournement de la ville de Batumi et accès à son port)
07/2017 – 12/2022 |
114/315,2
36,2 % |
– Banque asiatique de développement (167)
– autres financeurs (87,2)
|
22 | Inde
India Infrastructure Fund
|
M – Investissement de la BAII dans un intermédiaire financier spécialisé (infrastructures diversifiées)
2017/2028 |
150/750
20 % |
– autres investisseurs (600) |
NB. Les numéros de projet 6, 8, 16, 17, 19 et 20 n’apparaissent pas dans les documents de la BAII.
Source principale : https://www.aiib.org/en/projects/approved/index.html (les fiches des projets rendues publiques sur ce site complètent ces très brèves données indicatives).
Rémi Perelman, Asie21