Asie : les robots à l’assaut des petites mains

À Davos en janvier 2017, Xi Jinping s’est livré à un vibrant plaidoyer pour la mondialisation, qu’il a défini comme « la conséquence naturelle du progrès qui n’est pas le résultat de l’action d’un individu ou d’un pays ». Il oublie qu’au XIXe siècle, la première mondialisation doit beaucoup à la Pax Britannica et la seconde à l’hégémonie américaine. Il n’empêche : du navire à vapeur au télégraphe, les évolutions technologiques ont accompagné la première mondialisation ; à partir des années 1990, les progrès des télécommunications et la diffusion d’Internet ont donné une forte impulsion à la seconde.

Le maintien de la Chine dans le textile et l’habillement
La mondialisation se nourrit des écarts de coûts. Dans les années soixante, la Corée et Taïwan ont capitalisé sur leurs bas salaires pour s’insérer dans le commerce mondial. Vingt ans plus tard, la Chine mobilisait son réservoir de main-d’œuvre pour s’imposer sur le marché mondial où depuis son adhésion à l’OMC en 2001. Résultat, sa part de marché des produits manufacturés a grimpé de 4,7 à 17,9 % en 2016. Cette percée spectaculaire a bénéficié de la révolution numérique qui a rendu possible l’éclatement des processus de production et le fonctionnement des chaînes globales de valeur. Entamé dans l’industrie électronique au cours des années 1960, ce processus s’est diffusé à de nombreux secteurs. L’industrie chinoise a commencé par s’imposer sur le dernier chaînon, l’assemblage, en exportant des produits finis fabriqués à partir de composants importés. Remontant les filières, elle a utilisé des composants fabriqués en Chine.

Ce processus lui a ainsi permis de s’imposer sur le marché mondial du textile et de l’habillement. Une activité industrielle emblématique des « petites mains ». Entre 2000 et 2010, l’emploi dans le textile/habillement chinois a augmenté de 8 à 14 millions, tandis que la part de marché de la Chine grimpait de 6,5 à 30 % dans le textile et de 18 à 37 % dans l’habillement, selon les chiffres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Au cours de cette période, les salaires dans le textile ont augmenté de 12 % par an et sont désormais plus élevés que dans les pays d’Asie du Sud-Est.

Depuis 2010, alors que les hausses de salaires ont continué, l’emploi dans le secteur a, lui, perdu 2 millions de salariés. Mais contrairement à ce qui était espéré par de nombreux pays, la part de marché mondial de la Chine a poursuivi son expansion dans le textile où elle atteint 37 % en 2016 et n’a que légèrement diminué dans l’habillement avec 36,4 %. Durant cette période, l’accroissement des parts de marché des autres pays asiatiques (de 13 à 19 %) s’est faite moins aux dépens de la Chine que d’autres exportateurs. Comment expliquer le maintien de l’empire du milieu dans ce secteur intensif en main-d’œuvre ? Par la qualité de sa main-d’œuvre, justement, et de ses infrastructures, mais pas seulement. L’effort d’investissement et le soutien du gouvernement restent fondamentaux à l’heure où Pékin souhaite passer du « made in China » au « created in China ». Il faut aussi rappeler les complémentarités de la filière – l’amélioration du textile offre des fils et tissus plus compétitifs à l’habillement – et un marché intérieur qui s’élargit rapidement et devient plus sophistiqué. Confrontés aux hausses de salaires, les industriels ont le choix entre quitter la Chine pour s’implanter dans les pays voisins, rester en Chine en déplaçant leur production des zones côtières à l’Ouest ou automatiser.

Il est impossible de mesurer l’importance relative de ces trois réponses au défi posé par la hausse des salaires. Mais il est probable que la troisième option, l’automatisation, deviendra plus fréquente dans ce secteur qui pourrait être bouleversé par l’introduction de nouvelles technologies.

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Jean-Raphaël Chaponnière, Asie21

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