Indonésie : la faible marge de manœuvre du président Jokowi, entre les radicaux et la Chine

Le président Jokowi se trouve, à un peu plus de la moitié de son mandat, dans une position délicate : les courants musulmans fondamentalistes jouent de plus en plus habilement des ouvertures démocratiques pour se faire entendre dans l’espace public et critiquer les politiques engagées par son Administration. Pour ralentir leur progression, le président doit avancer des résultats tangibles ; ce qu’il ne peut pas faire sans les investissements chinois, dont l’ampleur est dénoncée par les mêmes radicaux. Comment résoudre ce dilemme ?

FAITS

2017 aura été une année difficile pour le président Jokowi sur le front de l’Islam. Les élections pour le poste de gouverneur de Jakarta, perçues comme un test pour la fameuse tolérance javanaise, ont été perdues par son poulain, Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, après qu’une campagne souvent calomnieuse l’ait discrédité auprès d’une partie des habitants de la capitale. Ahok, indonésien d’origine chinoise et chrétien, était un allié politique pour Jokowi.

On a ensuite reproché au gagnant, Anies Basdewan, d’avoir remporté le scrutin grâce au soutien engagé du FDI, le Front des défenseurs de l’islam. En répandant des paroles incitant à la haine et au nationalisme religieux, les courants conservateurs entretiennent un climat politique polarisé et divisé.

  • En mai 2017, ils ont réussi à convaincre les juges de condamner Ahok pour blasphème. Le même mois, Bachtiar Nasir, qui dirige le mouvement national pour la sauvegarde des fatwas au Conseil des oulémas d’Indonésie, déclare que les Chinois doivent payer « car ils se sont enrichis au détriment des intérêts locaux ».
  • En juillet, le parti islamiste international, le Hizbut Tahrir, est dissout.
  • En août, la statue d’une déesse chinoise est entièrement recouverte d’un tissu à Tuban (province de Java Est) et des groupes musulmans demandent sa destruction moins d’un moins après sa mise en place. Pour endiguer la montée du populisme musulman, le président Jokowi signe un décret qui autorise le gouvernement à interdire les groupes qui s’opposent à l’idéologie nationale du Pancasila.

La montée de l’islam radical, qui se nourrit à la fois d’un nationalisme économique virulent et d’un sentiment anti-chinois, a des ramifications dans le champ politique, économique et au sein de la société. Elle se produit dans un contexte sensible :

1- le président Jokowi a besoin de résultats économiques pour préparer la prochaine campagne présidentielle (printemps 2019),

2- la Chine, premier partenaire commercial et premier investisseur étranger, s’intéresse de très près à l’économie indonésienne et ses potentialités, notamment avec le projet de la BRI (Belt and Road Initiative)- cf. encadré.

Les interactions entre ces deux facteurs pourraient se révéler risquées pour la transition démocratique en cours ; les conservateurs dénoncent « les ingérences chinoises ».

[…]

Sophie Boisseau du Rocher, Asie21

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°112 décembre 2017

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