Nouvelles Routes de la soie : où en est-on exactement ?

Des officiels iraniens applaudissent à l’entrée en gare de Téhéran du premier train reliant la Chine à l’Iran depuis l’ancienne Route de la soie, le 15 février 2016.  (Crédits : AFP PHOTO / STRINGER)

En 2013, Xi Jinping annonçait au Kazakhstan la « version terrestre » des « nouvelles Routes de la soie » (la « Ceinture »). Quelques mois plus tard, il présentait la « version maritime » (la « Route ») à Jakarta. Depuis ces annonces, la dénomination anglaise a évolué. D’abord siglée OBOR (One Belt One Road – Une ceinture, une route), l’appellation était trop centrée sur les intérêts chinois et, pour les mauvaises langues, elle se traduisait par « Our bulldozers, Our rules ». Aussi Pékin a-t-il glissé vers une plus modeste Belt and Road Initiative (BRI). Déclinée sur tous les modes – voie ferrée, maritime, routes, digital et aérien –, la BRI se développe le long de deux axes ayant chacun des variantes. Le premier traverse l’Asie Centrale et continue vers l’Europe, via la Russie ou via l’Iran, et également la Route du Nord (Arctique). Le second se démultiplie en trois corridors (Pakistan vers le port de Gwadar, Birmanie vers le port de Kyaukphyu, Laos vers Singapour), et se prolonge par une voie maritime qui aboutit au Pirée d’où elle continue vers l’Europe centrale. La BRI qui ne se limite pas aux infrastructures et incorpore la construction de zones industrielles, la production électrique et même des projets hôteliers.
 

Les « nouvelles Routes de la soie » rassemblent les projets suggérés par la Chine ou par les pays participants, déjà très nombreux (65) et dont la liste s’allonge. En novembre, le Maroc a signé un mémorandum avec la Chine et le projet de train à grande vitesse entre Tanger et Casablanca bénéficie maintenant du « label ». A son tour, la Nouvelle-Zélande a intégré la BRI et la question est débattue en Australie.

ÉVOLUTION DES ÉCHANGES LE LONG DE LA ROUTE TERRESTRE

Les exportations chinoises vers le monde ont diminué en valeur de 2013 jusqu’au troisième trimestre de 2016. Un an plus tard, elles n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’il y a quatre ans. Qu’en est-il des exportations vers les pays situés le long de la voie terrestre ? Elles sont en deçà de 2013, et le redressement est plus marqué en direction des États d’Europe centrale. Lorsqu’on considère les pays, ce sont les exportations vers l’Iran (+48 % par rapport à 2013) et vers l’Arabie saoudite qui ont le plus augmenté.
L’un des objectifs de la BRI est de trouver de nouveaux débouchés aux entreprises chinoises de construction affectées par le tassement des grands projets en Chine. Les données de 2016 n’étant pas encore disponibles, la comparaison du montant des projets réalisés durant les périodes 2010-2012 et 2013-2015 est éloquente : curieusement, ces projets ont peu augmenté en Asie Centrale (et Russie), tandis que la hausse la plus forte a eu lieu au Proche et Moyen-Orient, et plus particulièrement en Arabie saoudite et en Iran.
Après avoir progressé rapidement jusqu’au troisième trimestre de 2016, les investissements chinois dans le monde sont en chute libre : soit 40 % au premier semestre 2017. D’après le ministère chinois du Commerce (MofCom), cela ne concernerait pas les investissements dans les pays situés le long des Routes (terrestres) de la soie : ils s’élevaient à 14,5 milliards de dollars en 2016 et atteindraient les 10 milliards de dollars au premier semestre 2017. Par ailleurs, les groupes chinois multiplient les acquisitions de sociétés de logistique (de 12,9 milliards de dollars en 2016 à 32 milliards au cours des 11 premiers mois de 2017), dont les deux tiers consacrés à des achats le long des « Routes de la Soie ».
Rome ne s’est pas construite en un jour et les Chinois se sont donnés 36 ans pour construire les nouvelles Routes de la soie. Elles doivent être achevées en 2049, pour le centenaire de la fondation de la République populaire de Chine. On peut néanmoins s’étonner de la lenteur de sa mise en œuvre qui tranche avec la rapidité traditionnelle chinoise. Parmi les explications possibles, les hésitations des pays hôtes, à l’exception notable de l’Iran qui occupe une situation centrale.
En se retirant du Partenariat transpacifique (TPP), Donald Trump a ouvert un boulevard à la Chine en Asie. Quelques mois plus tard, en dénonçant l’accord négocié par l’administration Obama avec l’Iran, il renforce l’axe Pékin-Téhéran. Situé au sud de l’Asie centrale, ce pays de 80 millions d’habitants devient la pièce maitresse de la BRI car il offre une alternative au passage via la Russie.
 
Les sanctions contre le régime de Téhéran ont ouvert la voie aux importations chinoises. Ces dernières ont grimpé de 20 % en 2010 à 45 % en 2016. Désormais, la Chine est le premier fournisseur de l’Iran et le premier débouché du pétrole iranien. Les investissements chinois ont rapidement augmenté dans le pétrole et l’automobile (Geely) de même que les crédits : la China EximBank a financé 26 projets (8,5 milliards de dollars) et en en ce mois de décembre, le groupe CITIC a ouvert une ligne de crédit de 10 milliards de dollars. La China Development Bank envisage, quant à elle, un prêt de 15 milliards.
 
L’Iran a adhéré à la BRI et c’est tout sauf abstrait. La Chine finance une ligne à grande vitesse entre Téhéran, Qom et Isphahan, ainsi que l’électrification de la voie ferrée Téhéran-Meshed qui forme le premier tronçon du chemin de fer à grande vitesse envisagé entre l’Iran et la Chine. Utilisant le réseau déjà en place en février 2016, un premier train de marchandises est arrivé à Téhéran depuis Shanghai en 12 jours au lieu de 30 par la mer. En échange, l’Iran a diminué les tarifs sur les produits chinois.
 
Mais l’axe entre les deux puissances permet de voir plus loin. L’Iran est à la porte de la Turquie : des trains pourraient donc relier Kashgar au Xinjiang chinois à Istanbul d’ici 2020. Ainsi l’Iran […]
Jean-Raphaël Chaponnière, Asie21
 
 
 

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