Philippe Pons, Gallimard, 2016, 707 pages
La frontière intercoréenne « divise un pays qui avait été, pendant un millénaire, un État uni et fier de son identité ethnoculturelle jusqu’au 10 août 1945 » : le gouvernement américain décide, à la hâte, de séparer le pays « en deux zones d’occupation, soviétique au Nord, américaine au Sud, afin d’éviter que l’URSS, qui entrait en guerre contre le Japon, prenne possession de toute la Corée. Cette partition devait être provisoire ». La scission entraîna une guerre fratricide pendant trois ans.
L’auteur, justement parce qu’il s’agit d’un régime opaque, a cherché à aller au-delà des grilles de lecture issues de la guerre froide, rappelant la formule de Donald Gregg (ancien responsable des opérations de la CIA à Séoul) : « La Corée du Nord est la plus durable faillite de l’histoire du renseignement américain. » À la faveur de la politique du rapprochement intercoréen entamée par le président Kim Dae-jung, explique l’auteur, à la fin des années 1990, les chercheurs sud-coréens se sont progressivement dégagés du carcan du grand récit géopolitique binaire, reflet d’une vision occidentale du monde, pour penser la république populaire démocratique de Corée dans le contexte de l’histoire nationale et non pas seulement comme le fruit de la seule mainmise soviétique.
Comme pour le Vietnam, la révolution socialiste en Corée ne peut être séparée de la lutte pour l’indépendance. La période de la colonisation japonaise (1910-1945) fut marquée par l’éveil d’un nationalisme ethnique qui a conditionné les comportements individuels et collectifs, évinçant le marxisme-léninisme. Ce patriotisme farouche, analyse Philippe Pons, explique en grande partie la résilience du système à la chute de l’URSS, à la mort de Kim Il-sung et à l’écroulement économique. L’idéologie de la Corée du Nord est le nationalisme, non le socialisme. Le livre, richement documenté, traite en trois grandes parties de l’histoire de la RPDC au travers des « règnes » de Kim Il-sung, de son fils Kim Jong-il et de son petit-fils Kim Jong-un.
Recension, Catherine Bouchet-Orphelin, Asie21