Pakistan – Chine : Un Corridor intégrateur

Le bien connu Corridor économique Pakistan-Chine (CEPC) assimilé aux nouvelles Routes de la soie chinoises, a été d’abord considéré comme un plan d’infrastructures de transport, alors que l’essentiel – les deux-tiers du budget – résidait dans l’équipement électrique du Pakistan. Désormais, le Plan 2017-2030 nous apprend que sa cible principale est l’agriculture ! L’agriculture, certes, mais aussi l’exploitation minière et l’industrie. L’essentiel n’est cependant pas là. Le but ultime est la mise sous tutelle du pays par Pékin – pour ne pas prononcer le mot honni de colonisation – et, par là même, le bouclage occidental de l’Inde.

FAITS

Longtemps attendu, le Plan à long terme 2017-2030 du Corridor économique Pakistan-Chine (CEPC)1 a été présenté officiellement le 18 décembre 2017 sous la forme d’un résumé de 31 pages, destiné à obtenir l’assentiment des gouvernements provinciaux et accessoirement, à informer le grand public. Le programme initial du CEPC (avril 2015) était centré sur la seule amélioration des infrastructures (production d’électricité et transport).

Le Plan détaillé en 231 pages, élaboré par la Banque de développement de Chine à la demande de la Commission de réforme du développement national du gouvernement chinois, est resté confidentiel. Cependant, en juin 2017, le quotidien pakistanais Dawn y ayant eu un accès exclusif, en a publié un compte-rendu2 révélant des détails saillants absents de la version courte. Résultat : sous le langage convenu de la coopération, le Plan peut désormais être lu comme un instrument de conquête.

Territorialement, le Plan intègre le Xinjiang et le Pakistan, pays qui devra dispenser les Chinois de visa « afin d’y stimuler l’économie touristique », vérifiant ainsi l’adage de la coopération gagnant-gagnant.

Monétairement, le plan vise à doter du RMB une population importante et à faciliter les transactions des entreprises chinoises.

Sectoriellement, trois nouveaux objectifs apparaissent en catimini :

  • agriculture. Cet objectif s’est fait discret : ni texte officiel, ni débat au Parlement, ni mention sur le site Web du CEPC. Mais selon le document confidentiel du Plan, le secteur agricole du pays constitue la priorité absolue de la Chine (cession par bail ou achat, de plusieurs « milliers d’acres » à des entreprises chinoises « pilotes » soutenues par des subventions et des prêts de la Banque chinoise de développement). Installation d’organismes mixtes d’assistance, tels le Centre sino-pakistanais du riz hybride (principale culture d’exportation), inauguré à Karachi en juillet 2017. Le recours au Xinjiang Production and Construction Corps est significatif d’une volonté de conquête (encadré). La concurrence chinoise inquiète les agriculteurs (Commission de l’agriculture du Pendjab) ;

 

  • industrie. Trois zones ciblées :
  • Ouest et Nord-Ouest (industries extractives),
  • Centre (ciment, textile, équipement de la maison),
  • Sud (pétrole, fer et acier, machines-outils, automobiles, équipement portuaire…) ;

 

  • sécurité (et culture). Tant pour sa réalisation que son fonctionnement, le CEPC exige une protection contre le sabotage. Sa composante fibre optique va permettre l’utilisation de systèmes […]

Rémi Perelman, Asie21

(1) Version courte officielle du Plan à long terme 2017-2030 du CEPC

(2) Version longue non diffusée, présentée par Dawn

 

Encadré 1 : Corps de production et de construction du Xinjiang ou Bingtuan

Encadré 2 : Développement agricole et réduction de la pauvreté

Extrait du « Plan à long terme 2017-2030 du CEPC »

 

 

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°118 juin 2018

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