Le 22 janvier 2019, le président Poutine et le Premier ministre Abe ont eu un nouvel entretien de trois heures, à Moscou, qui faisait suite à leurs dernières rencontres à Singapour en novembre et à Buenos Aires en décembre 2018. Aucune des parties n’attendait de progrès à l’issue de ces conversations. Il s’agissait avant tout de clarifier les positions après les déclarations faites à Tokyo par les milieux dirigeants et dont la presse japonaise s’était fait l’écho. Il s’agissait aussi de rassurer une partie de l’opinion russe inquiète des concessions qui pourraient être faites au Japon.
FAITS
La visite du Premier ministre du Japon en Russie a été précédée pendant plusieurs semaines par une intense campagne visant à persuader l’opinion publique japonaise que l’on était proche d’un accord sur le transfert de deux îles du sud des Kouriles, Habomai et Shikotan, qui serait conclu dans le courant de 2019. La presse nippone a donné des détails sur cette opération. M. Abe lui-même a déclaré qu’il fallait « obtenir la compréhension » des habitants des Kouriles du Sud et que ceux-ci auraient la faculté d’y demeurer. S’ils décidaient de partir en Russie une allocation leur serait versée. Cependant, la cohabitation sur ces îles de populations russes et japonaises serait tout à fait envisageable. En outre, le gouvernement japonais renonce à réclamer des compensations ou « prétentions matérielles » à la Russie pour « l’occupation des îles après la guerre ». Les journaux ont annoncé en même temps que Tokyo envisageait d’y implanter 340 000 ouvriers et techniciens afin de remédier au manque de main d’œuvre. Shikotan est aujourd’hui peuplé de moins de 3 000 habitants.
Ces déclarations ont suscité la fureur de Moscou où l’ambassadeur du Japon a été convoqué le 9 janvier 2019 au ministère des Affaires étrangères pour s’entendre signifier que celles-ci « travestissaient grossièrement la nature de l’entente entre les dirigeants de la Russie et du Japon concernant l’accélération du processus de négociations sur la base de la Déclaration conjointe de 1956 et désorientaient la société des deux pays à propos du contenu des pourparlers. Elles ne pouvaient qu’envenimer artificiellement l’atmosphère autour du problème du traité de paix et imposer à l’autre partie son propre scénario de règlement ». Le communiqué russe rappelle que la résolution de ce problème ne peut intervenir que si « Tokyo reconnaît les résultats de la seconde guerre mondiale dans sa totalité, y compris la souveraineté de la Fédération de Russie sur les îles Kouriles du Sud ».
Vladimir Poutine a précisé ces points à son interlocuteur qui depuis le début de ce dialogue use de la tactique japonaise de l’amaeru (littéralement câliner). Celle-ci consiste à adoucir ou amadouer son vis-à-vis afin de mieux l’enserrer dans les rets d’une sorte de toile d’araignée et parvenir ainsi à ses fins. […]
Jean Perrin, Asie21
Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°125 février 2019
Rappel historique
- Dans son discours du 2 septembre 1945, Staline présentait la capitulation du Japon comme l’aboutissement d’un conflit qui avait débuté par la prise de Port Arthur en 1904, qu’il comparait au raid sur Pearl Harbor en décembre 1941.
- À Yalta, le 11 février 1945, il […]