Test PISA : les étranges variations de la note de la Chine

La Chine est arrivée première dans toutes les catégories du classement PISA 2019 : les sciences, les mathématiques et la lecture. (Source : SCMP)
La Chine est arrivée première dans toutes les catégories du classement PISA 2019 : les sciences, les mathématiques et la lecture. (Source : SCMP)
Comment expliquer la première place de la Chine au classement PISA de l’OCDE sur le niveau des élèves du secondaires ?

Fin novembre 2019, l’OCDE a publié les résultats des tests Pisa (Programme for International Student Assessment), organisés en 2018 dans les États-membres de l’organisation et adhérents à ce programme lancé en 2000. Plus de 600 000 jeunes de 15 ans sont soumis à ces tests qui concernent la lecture, les mathématiques et les sciences. Il ne s’agit pas tant de mesurer leurs connaissances théoriques que d’évaluer leur capacité à les exploiter pour résoudre des problèmes de la vie quotidienne.
Les pays de l’OCDE ont peu progressé dans ce classement. Les États-Unis pointent au 13ème rang, l’Allemagne au 20ème et la France au 23ème. Ce sont les pays asiatiques qui dominent : Corée du Sud, Singapour ou Taïwan, rejoints et dépassés par les provinces chinoises.
Les dix premiers pays au classement PISA (2009-2018). (Source : PISA OCDE)
Les dix premiers pays au classement PISA (2009-2018). (Source : PISA OCDE)


Lorsqu’un pays est autorisé à participer au test PISA, des écoles sont choisies comme échantillons représentatifs de la population des jeunes de 15 ans. L’Argentine et la Chine ont été autorisés à utiliser un échantillon provenant des provinces les plus avancées. Mais alors que douze provinces chinoises, dont des régions rurales, ont organisées ces tests, la participation de la Chine s’est limitée à Shanghai.
Lorsque ces résultats ont été publiés, leur représentativité a fait l’objet d’un débat car l’OCDE n’avait pas tenu compte des discriminations des enfants des mingongs, les migrants. N’ayant pas le certificat de résidence (hukou) urbain, les migrants n’ont pas droit aux services publics (santé, éducation) pour leur famille. À Shanghai, si ces enfants ont été autorisés à fréquenter l’école primaire et le collège, leur entrée au lycée qui dépend de leur réussite à l’examen, le zhongkao, est exceptionnelle.
De ce fait, la population testée dans le cadre du PISA représenterait 0,3 % du nombre des jeunes Chinois de quinze ans, alors que ce pourcentage est trois à quatre fois plus élevé dans tous les pays adhérents au programme, à l’exception des Emirats Arabes Unis. Toutefois, le test ne s’est pas cantonné au lycée et un peu moins de la moitié des établissements sont des collèges que les enfants des mingongs sont autorisés à fréquenter.

HAUSSE SPECTACULAIRE

Caractéristiques des provinces représentatives de la Chine. (Source : China National Bureau of Statistics)
Caractéristiques des provinces représentatives de la Chine.
(Source : China National Bureau of Statistics)

En 2015, trois provinces ont été ajoutées à Shanghai : Pékin (21 millions d’habitants), le Jiangsu (80 millions) et le Guangdong (111 millions). L’élargissement des tests à des provinces moins développées explique le recul de la note moyenne de 588 à 514. Représentée par ces trois provinces, la Chine était seconde au classement PISA derrière Singapour en 2015. Depuis, le Guangdong a été remplacée par le Zhejiang (46 millions d’habitants) dont le niveau de vie (approché par le revenu par habitant en parité de pouvoir d’achat) est supérieur.
Curieusement ce remplacement s’est accompagné d’une hausse spectaculaire de la note de la Chine : en 2018, le pays se classe au premier rang mondial en lecture où sa note a augmenté de 61 points, en mathématiques de 60 points et en sciences de 72. Or, entre 2009 et 2018, la note moyenne de Singapour a augmenté de seulement 13 points. Après avoir analysé l’évolution des notes des 77 participants au PISA, Tom Loveless de la Brookings institution montre que cette hausse est sept fois plus élevée que la moyenne de celles constatées depuis le démarrage du programme. Cette envolée est-elle seulement la conséquence du remplacement du Guangdong par le Zhejiang ?

L’EXCELLENCE DES ÉLÈVES CHINOIS

Les critiques légitimes de la mise en oeuvre du PISA en Chine ne doivent pas faire oublier l’essentiel, à savoir l’excellence des élèves chinois, un trait commun aux sociétés d’Asie de l’Est. Les longues heures passées à étudier ne suffisent pas à rendre compte de leurs performances. Dans les années 1990, lorsque l’Estonie a retrouvé son indépendance, le nouveau ministre de l’Enseignement a recherché des modèles pour réformer le système hérité de l’ère soviétique et il s’est finalement inspiré de ce que faisait son voisin finlandais. L’élève a dépassé le maître et l’Estonie fait mieux que la Finlande et a dépassé la Corée du Sud aux tests PISA. Estoniens et Finlandais passent moins de temps à l’école que les Chinois ou les Sud-Coréens. Ils ne fréquentent pas les « boîtes à bac » et travaillent très peu à la maison. Le point commun entre les systèmes d’éducation d’Asie de l’Est et d’Europe du Nord ? La qualité de leurs enseignants qui coopèrent au sein des équipes pédagogiques.
Cependant, les performances de Shanghai ou de Pékin ne sauraient masquer la situation déplorable de l’éducation dans les campagnes. Dans La Chine à bout de souffle (Fayard, 2016), Isabelle Attané indique que « la Chine appartient à la petite trentaine de pays dans le monde toujours incapables d’offrir une éducation obligatoire gratuite à ses enfants ». La scolarisation brute est de 95 % mais un pourcentage élevé n’achève pas le cycle secondaire. Publié en 2013, le rapport China 2030, réalisé par la Banque Mondiale et la puissante Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme (NDRC), s’était donné comme objectif un taux de scolarisation de 90 % dans le secondaire en 2020, comme en Corée du Sud en 2000. Le 13e plan quinquennal (2016-20) mise, lui, sur la technologie – connexion Internet des écoles, accès à des leçons en ligne – pour réduire l’écart entre villes et campagnes, l’une des faiblesses structurelles de l’économie chinoise.
Jean-Raphaël Chaponnière, Asie21

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