Les îles Natuna (situées dans la province indonésienne des îles Riau à l’extrême sud de la mer de Chine du Sud) présentent un cas particulier. Pékin ne revendique pas de souveraineté sur ces îlots mais, en revanche, il revendique quasiment tout le secteur nord-est de la zone économique exclusive (ZEE) indonésienne situé au large de la grande île de Natuna. Parce que ce secteur est coupé par le tracé chinois en neuf traits, Pékin y revendique une tradition de pêche, donc des droits. Cette interprétation unilatérale – et abusive – du droit de la mer par les Chinois relance évidemment des craintes profondes dans la région, à l’égard des intentions et de la domination chinoises . À terme, ces incursions chinoises, qui se multiplient depuis 2014, pourraient remettre en cause les bonnes dispositions de l’Asie du Sud-Est à l’égard de leur grand voisin. L’affirmation nationaliste des Indonésiens et l’implication directe du président Jokowi semblent montrer que les Chinois ont franchi une ligne rouge. Pour autant, cela modifiera-t-il les manœuvres chinoises sur cet espace considéré comme relevant de « l’intérêt national chinois » ?
🐀
FAITS
Octobre 2019 : des navires de pêche chinois pénètrent sans vergogne dans la ZEE* indonésienne.
Mi-décembre : un navire des garde-côtes chinois les escorte, et jusqu’à 4 bâtiments début janvier.
En dépit du fait que les autorités indonésiennes ont convoqué l’ambassadeur chinois à Jakarta pour faire part de la protestation diplomatique officielle de Jakarta, le rythme n’a pas baissé : début janvier, on comptait jusqu’à 30 puis 63 bateaux de pêche chinois autour des Natuna.
Le 1er janvier : sans sourciller, le porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang*, affirmait: « Ces activités étaient légales et légitimes et que la partie indonésienne l’accepte ou non, rien ne changera au fait objectif que la Chine a des droits et des intérêts sur les eaux en question ».
Le 3 : le ministre indonésien des Affaires étrangères, Retno Marsudi*, déclarait que la ZEE indonésienne avait été établie par la CNUDM* de 1982 ; la Chine, qui participait à la conférence de Montego Bay, a signé puis ratifié la Convention.
Le 8 : l’affaire prend une tournure officielle quand le président indonésien, Joko Widodo, se déplace dans les îles sur un bâtiment de la marine. « Natuna fait partie du territoire indonésien, il n’y a aucune question, aucun doute : il n’y a aucune négociation quand il en va de notre souveraineté ». L’armée de l’air et la marine sont placées en état d’alerte.
Le 9: plusieurs dizaines de bâtiments chinois quittent la zone. Les autorités indonésiennes affirment que « l’Armée continuerait à surveiller la zone ».
L’Indonésie n’est pas […]
Lire également dans ce même numéro : « Mer de Chine du Sud – Malaisie – Chine : crise sur prétention malaisienne à plateau continental étendu » de Daniel Schaeffer.
🐀
Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°135/2020-01
La suite de l’article est réservée aux abonnés : abonnement en ligne ou par mail