Chine – Asie du Sud-Est : Enjeux géopolitiques de la crise du coronavirus

La nouvelle maladie à Coronavirus appelée désormais COVID-19 (après avoir été appelée « Pneumonie de Wuhan » et SARS-CoV-2 a touché plus de 150 000 personnes dans plus de 100 pays dans le monde et entraîné la mort de plus de 5 000 personnes. Dépassé au départ par les critiques internes des habitants du pays, le Parti communiste chinois a décidé de contre-attaquer en ciblant son meilleur ennemi et son bouc-émissaire multi-fonction : l’Occident à la fois accusé d’avoir créé le virus et moqué pour son incapacité à y faire face.

FAITS

  • La Thaïlande a été le premier pays de la région à déclarer un cas de coronavirus (13 janvier 2020), le premier d’ailleurs en dehors de Chine. Puis :
  • le Vietnam (22 janvier),
  • Singapour (23 janvier),
  • la Malaisie (24 janvier),
  • l’Indonésie (28 janvier),
  • le Cambodge (29 janvier),
  • les Philippines (30 janvier).

C’est aux Philippines qu’on déplore la première victime hors de Chine (1er février). Le 7 février, on compte 33 personnes déclarées infectées à Singapour, 32 en Thaïlande, 16 en Malaisie, 13 au Vietnam, 3 aux Philippines, 1 au Cambodge.

Singapour a été le premier pays de l’ASEAN à prendre des mesures énergiques pour éviter la propagation en lançant une grande campagne d’information qui incite aux sept gestes d’hygiène minimum ; des masques sont distribués gratuitement. Début février, de nouvelles mesures sont prises après que des cas de contamination locale furent révélés ; le niveau d’alerte est porté à l’orange, le 4e niveau avant le rouge (5e niveau) : certains secteurs d’emploi (armée/santé/éducation…) sont soumis à une surveillance quotidienne. Des contrôles de température sont mis en place à chaque point d’entrée de l’île-État ; le 31 janvier, l’accès est interdit à tous les voyageurs en provenance de Chine (ou passés par la Chine durant les 14 jours précédents).

Les voisins ont imité la mise en place de ce cordon sanitaire : aux Philippines, en Indonésie, au Laos ou au Vietnam, des mesures identiques restreignent drastiquement les arrivées de Chine en dépit des fêtes du nouvel an. Les Indonésiens, les Malaisiens, les Thaïlandais ont rapatrié leurs étudiants et les ont placés en quarantaine. En sens inverse, la Chine envoie des avions en Malaisie ou Thaïlande par exemple) pour rapatrier plusieurs centaines de touristes venus là pour les fêtes du nouvel an de la province du Hubei. Le centre ASEAN pour la médecine militaire a tenu une réunion d’urgence le 28 janvier pour prendre des mesures préventives à l’échelle régionale.

Alors que les dirigeants apportent leur soutien aux autorités chinoises (la visite du Premier ministre cambodgien Hun Sen à Pékin – il avait proposé de se déplacer à Wuhan – début février a été largement relayée par les médias), les sociétés sont plus partagées. Après avoir déploré dans un premier temps les effets économiques, on observe un certain soulagement : le coronavirus est aussi perçu comme une leçon d’humilité à un pays qui en manque souvent et se comporte en conquérant dans la région. Il replace la Chine dans une réalité « réelle » qui n’est pas celle promue par Xi Jinping ; il permet de dire à haute voix ce que l’on retient depuis si longtemps et de se distancer d’une logorrhée officielle conciliante. Les sociétés d’Asie du Sud-Est, y compris les diasporas chinoises, ont une confiance limitée dans les intentions du PCC : cette crise du coronavirus leur fournit l’opportunité de le dire directement (les feuilles collées sur les portes de restaurant interdisant l’accès aux Chinois) et de le faire savoir à leurs dirigeants. […]                                                                    🐀

 

Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°136/2020-02

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