Dans cet ouvrage de 274 pages Cyrille Poirier-Coutansais, retrace à grands traits l’histoire de l’humanité à travers ses rapports avec la mer. L’auteur affiche son scepticisme envers le peuplement des Amériques par voie terrestre. C’est par la mer que les hommes auraient rejoint les Amériques. C’est avec des pirogues à balancier que les Barito ont quitté Sumatra et Java pour peupler Madagascar, alors inhabité. Le niveau des mers s’étant élevé, beaucoup de sites archéologiques sont de nos jours engloutis. L’auteur décrit les aventures maritimes des Vikings, des Phéniciens, des Polynésiens, des Arabes, des Indiens, des Chinois, des Norvégiens.
Le livre est construit autour de thématiques en donnant des exemples géographiques et ou historiques. L’auteur s’attache à donner les caractéristiques des types de bateaux de commerce et de guerre utilisés à diverses périodes dans les mers du monde : felouque, nef, galère, caraque, caravelle… Il mentionne les progrès de la navigation à travers les siècles. Il fait un historique rapide de la plongée. Il nous explique les opérations conduites par les pirates et les corsaires, les uns comme les autres étant en fait soutenus par des États, tout simplement parce qu’il leur faut des bases terrestres. Il s’intéresse aux portulans et de manière plus générale aux cartes marine. Longtemps, les hommes ont cru que les océans contenaient peu d’espèces vivantes alors qu’en réalité elles sont plus nombreuses que celles que l’on trouve sur terre. C’est avec la Renaissance que la faune marine commence à être vraiment connue.
Certaines connaissances des Grecs s’étaient perdues mais les Arabes les retrouvent et les transmettent aux XIIe et XIIIe siècles. Elles nous aident à mieux comprendre le monde. Des aventuriers partent à la découverte de l’Asie, Guillaume de Rubrouk, missionné par Saint-Louis rédige le livre Voyage dans l’empire mongol en 1255. Marco Polo se rend en Chine et écrit Le devisement du monde. Vasco de Gama touche l’Inde en 1498. Le XVIIIe siècle complète les connaissances de l’océan Pacifique, grâce à Bougainville, Surville, Marion Dufresne, Lapérouse, Cork. Dumont d’Urville atteint la Terre Adélie.
Des États soutiennent ces expéditions, Portugal, France, Angleterre. En Asie des thalassocraties naissent. En Chine, les dynasties Song et Mongole investissent dans la mer. C’est pendant la dynastie Ming que des flottes de plusieurs centaines de navires et de dizaines de milliers d’hommes commandées par Zheng He sillonnent l’océan Indien entre 1405 et 1422.
La civilisation de l’Indus disposait de ports, notamment Lothal qui alimentaient des échanges commerciaux avec la Mésopotamie. Sous la période Maurya (IVe-IIe siècles avant notre ère), la mer joue encore une grande importance. Les Indiens ont commercé avec Rome. Mais à partir du VIIe siècle, la religion brahmanique interdit la mer, considérée comme impure. S’aventurer dans l’eau noire (kalapani) peut aboutir à une mise au ban. Plus tard, les Cholas renouent avec la mer, s’aventurant vers l’Asie du sud-est.
L’auteur fait état du droit de la mer qui accorde de grandes libertés. Puis, il s’intéresse aux ressources de la mer : pétrole, gaz, baleines, poissons, algues, nodules polymétalliques… La pêche s’industrialise. Des géants des mers, surtout coréens, taïwanais et chinois, sillonnent les mers du monde. La surpêche menace des espèces de disparition. L’aquaculture se développe, fournissant aujourd’hui 60 % de la consommation mondiale. L’aquaponie associe à l’élevage de poissons la culture de plantes. L’algoculture connaît un développement spectaculaire en Asie, particulièrement en Chine, en Indonésie et aux Philippines. Le dessalement de l’eau de mer remédie à la pénurie d’eau. La mer fournit aussi le sable, indispensable à l’industrie du bâtiment, l’auteur indiquant au passage qu’il peut remplacer le sable des cours d’eau de plus en plus rare, le sable du désert étant impropre car trop fin et lisse. L’auteur ne manque pas de rappeler que la mer est source d’énergie. L’énergie hydrolienne, version marine de l’énergie éolienne, utilise les courants mais ceux-ci sont inégalement répartis. L’énergie thermique, reposant sur des différences de température entre les eaux de surface et en profondeur, peut surtout être utilisée dans les zones tropicales. Les recherches se poursuivent. Les organismes marins encore mal connus promettent de belles découvertes qui seront utiles notamment à l’industrie pharmaceutique. Les algues pourraient fournir des bio-carburants. Des robots permettent d’accéder aux grandes profondeurs et à l’avenir pourraient exploiter les nodules polymétalliques alors que les ressources terrestres se réduisent. Les abysses, notamment ceux de l’océan Pacifique, restent encore mal connus mais livrent peu à peu leurs secrets. Ils entretiennent encore le mystère nous dit Cyrille Poirier-Coutansais. Certains chercheurs estiment qu’ils pourraient abriter des espèces qui auraient survécu aux grandes extinctions. In fine, le livre nous rappelle quelques données utiles : la zone mésale se trouve entre 200 et 1 000 mètres de profondeur, la zone bathyale de 1 000 à 4000 mètres, la zone abyssale de 4 000 à 10 000 mètres et la zone hadale en dessous de 10 000 mètres.
Cyrille Poirier Coutansais, directeur au Centre d’Études Stratégiques de la Marine, signe un bel ouvrage, agrémenté de belles photos en couleurs, facile à lire, qui complète une série de plusieurs autres publications.
Alain Lamballe, Asie21
Publié par l’Académie des Sciences d’outre-mer