Nil sapientiæ odiosius acumine nimio1 Sénèque
La puissance d’une nation se mesure à l’énergie qu’elle transforme en richesse. L’Europe de Lisbonne à Vladivostok est morte avec la destruction de Nord Stream, le cordon ombilical la liant à la Sibérie. Qui est coupable de ces forfaits, sinon celui qui en retire les bénéfices évidents ? Qui l’avait promis et clamé urbi et orbi le 7 février 2022, tel Dupin dans la lettre volée2 ? L’Allemagne, leader du navire « Europe », a été rappelée à l’ordre par les États-Unis. Nous assistons à un grand schisme politique semblable au Grand Schisme religieux de 1054, avec un chancelier allemand admonesté par Biden comme l’empereur germanique le fut par Grégoire VII, la Maison Blanche ou le nouveau Canossa. Le chancelier est allé seul en Chine chercher une alternative industrielle à la perte des réserves énergétiques russes sacrifiées sur l’autel de la servitude. Efforts vains. Poutine, au forum de Valdaï3, prend acte et souhaite la fin du monde unipolaire. L’Europe se trouve face une Asie conquérante dont elle avait longtemps contenu l’expansion. La Russie, le cul entre deux chaises, a choisi le siège asiatique, rejetant l’Europe à l’extrémité occidentale …une partie naturelle de la Grande Eurasie. Strapontin ou siège éjectable ?
FAITS
Juillet 2014, rappel historique : le 15 juillet, les BRICS* à Fortaleza (Brésil) créent une structure financière concurrençant le monopole du dollar. Trois jours plus tard, l’avion MH17 explose dans le ciel d’Ukraine, 298 morts. Début des sanctions occidentales anti russes. Toucher au billet vert, c’est passer la ligne rouge.
25-26 septembre 2022 : les pipelines Nord Stream 1 et 2 explosent dans les eaux de la Baltique. Fin des liens énergétiques « Russie – Europe » et mort de l’Europe de « Lisbonne – Vladivostok ».
La commedia è finita : Canossa – Washington -Pékin la soumission de l’Allemagne (et/ou Europe) est consommée :
- 27 janvier 1077 : l’Empereur du Saint-Empire romain germanique, Henri IV, en pénitent, vient s’agenouiller devant le pape Grégoire VII à Canossa ;
- 7 février 2022 : « il n’y aura plus de Nord Stream 2 ». À la Maison Blanche devant les caméras du monde entier, Scholz reste coi face à ces affirmations de Biden. « Qui ne dit mot consent ». La commedia è finita ;
- novembre 2022 : Scholz tente une contre-offensive en allant seul à Pékin, oubliant l’Europe et après avoir autorisé Cosco* à prendre une participation de 24,9 % dans le port de Hambourg.
Le grand rift de la Russie vers l’Asie :
- les échanges avec la Chine durant les trois premiers trimestres de 2022 s’élèvent à 136 milliards de dollars, en hausse de 32,5 % ;
- les échanges avec l’Inde, de 13,1 milliards de dollars en 2021 ont dépassé les 18,2 milliards sur les cinq premiers mois, l’Inde est passée de 25e à 7e partenaire. Les 30 milliards de dollars d’échanges seront atteints en 2025.
Octobre 2022 à Valdaï, fin du monde unipolaire : Poutine fustige l’arrogance occidentale et salue la naissance du « monde de demain [qui] dépendra beaucoup plus de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine qu’on ne le croit aujourd’hui, … [et dont] l’extrémité occidentale, l’Europe, pourrait également être une partie naturelle de la Grande Eurasie. » même si « … nombre de ses dirigeants ne remarquent même pas qu’ils sont devenus périphériques, qu’ils sont des vassaux qui n’ont même pas le droit de vote ».
15 novembre bis repetita placent, après le bouk de 2014 et le pipe de 2022, 2 missiles russes tuent 2 personnes en Pologne, selon Zelenski, « la Russie attaque un pays de l’Otan, qui doit réagir ». [•••]
Extrait de la Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n° 166/2022-11