La France et L’Inde des origines à nos jours. Tome 4 : La France et l’Union indienne, Jacques Weber, Les Indes savantes, 2021

Recension par Alain Lamballe, Asie21

Jacques Weber consacre le tome 4 aux relations entre la France et l’Inde de 1947 à nos jours. La pagination suit celle du tome 3. Il en est de même pour la numérotation des chapitres. Ce tome est donc la continuation naturelle du tome 3 et ne comprend que trois chapitres. Sur les 417 pages qu’il contient, seulement 144 pages sont consacrées au texte. Les autres pages contiennent des annexes : glossaire, chronologies diverses, listes de gouverneurs de l’Inde française, des ambassadeurs de France en Inde, des ambassadeurs de l’Inde en France,  bibliographie, index des noms de personnes, table des illustrations, table des cartes, table des tableaux et graphiques. L’index concerne les tomes 3 et 4, ce qui signifie que les lecteurs du  tome 3 en sont privés avant de lire le tome 4. Des index séparés pour les noms de lieux et pour les très nombreux thèmes abordés seraient également souhaitables.

Dans ce tome, contrairement aux autres tomes, l’auteur a eu moins recours à des commentateurs extérieurs. Il a bénéficié de l’apport des diplomates français et de quelques individualités comme un ancien ingénieur ayant travaillé en France au Commissariat à l’Énergie atomique. L’auteur a analysé les évènements qui ponctuent l’évolution de l’Inde indépendante en consultant des ouvrages et des articles de presse. Comme dans les trois premiers tomes, l’auteur cite ses sources, notamment les travaux de ses étudiants et d’étudiants d’autres universités, ce qui complète fort bien son champ d’analyse.

La politique coloniale française en Indochine et en Afrique du Nord fait l’objet de passionnantes analyses. L’auteur montre bien les raisons profondes qui expliquent la relative modération de Nehru, laquelle contraste avec la virulence de certains membres de son entourage dont Krishna Menon et parfois des médias.

L’auteur déplore la faiblesse de nos échanges commerciaux et de notre implication dans le domaine culturel et plus encore dans le domaine scientifique. L’accent mis sur le culturel au détriment du scientifique ne correspond nullement au souhait de l’Inde. Un manque de discernement que l’auteur souligne. C’est la technologie que l’Inde attend, et l’Allemagne l’a parfaitement compris depuis longtemps. L’auteur admet toutefois que la France s’intéresse aussi désormais à la coopération scientifique et technique. Il le montre en analysant les activités d’entreprises françaises en Inde. Quelques pages, complétées par une carte en couleur très explicite, illustrent très bien la coopération existant entre des régions et villes françaises et des régions et villes indiennes. L’auteur a le mérite de faire connaître ces heureuses initiatives peu connues mais fort encourageantes. De son côté, l’Inde affirme sa présence industrielle en France. Un partenariat stratégique conclu en 1998 marque un nouveau départ dans les relations bilatérales.

L’Inde, nous dit l’auteur, commence à peine à se relever avoir été dévastée par des invasions musulmanes successives puis dominée et exploitée par les Britanniques. Ses réussites spatiales récentes confirment l’optimisme de Jacques Weber. Elles montrent qu’elle possède une élite scientifique. On peut affirmer, l’auteur de cet ouvage ne le contradirait pas, qu’elle est capable de relever les défis politiques, économiques, sociaux et sécuritaires auxquels elle est confrontée.

Historien, soucieux d’analyser les évènements avec impartialité, Jacques Weber a consacré une importante partie de sa carrière d’universitaire à l’étude de nos anciens comptoirs. Cet ouvrage imposant, en quatre tomes de grande valeur, qui couvre l’Inde entière et pas seulement nos anciens comptoirs, constitue une remarquable analyse sur les relations entre l’Inde et la France. Il sera sans doute difficile pour des chercheurs ultérieurs de trouver des éléments supplémentaires confirmant ou infirmant les conclusions de l’auteur. Il est sans doute le seul à avoir de façon aussi exhaustive scruter la littérature, les arts et les médias français afin de savoir ce qu’ont pensé et pensent de l’Inde, les élites françaises les plus diverses et ce qu’elles lui doivent.

En réalisant cet ouvrage, Jacques Weber fait honneur à l’Université de Nantes dont il est professeur émérite d’Histoire contemporaine ainsi qu’à l’Académie des sciences d’outre-mer dont il est membre.

Résumé de l’ouvrage par Alain Lamballe, Asie21

« La France et l’Inde des origines à nos jours. Tome 4 : La France et l’Union indienne »

Jacques Weber, Les Indes savantes, 2021

Historien reconnu, membre de l’Académie des sciences d’outre-mer, Jacques Weber consacre le tome 4 de son ouvrage « La France et l’Inde des origines à nos jours » aux relations entre la France et l’Inde depuis son indépendance en 1947. La pagination suit celle du tome 3. Il en est de même pour la numérotation des chapitres.  Ce tome est donc la continuation naturelle du tome 3 et ne comprend que trois chapitres. Sur les 417 pages qu’il contient, seulement 144 pages sont consacrés au texte.

Les 273 pages suivantes contiennent de nombreuses annexes. D’abord, un glossaire qui nous éclaire sur des mots majoritairement indiens, hindis, tamouls…Une chronologie politique des relations franco-indiennes suit. Elle est complétée par une chronologie culturelle (religion, spiritualité, littérature, arts). Viennent ensuite une liste des gouverneurs de l’Inde française, une liste des ambassadeurs de France en Inde et une liste des ambassadeurs indiens en France (toutes ces listes avec des dates). Cent soixante treize pages sont consacrées à des bibliographies classées en huit rubriques ainsi dénommées : quelques instruments de travail, colonisation française, Inde, Inde française, les XIXe et XXe siècles, le contact franco-indien, l’émigration indienne, le XXe siècle. Suit une autre bibliographie intitulée « Le voyage en Inde ». Une autre annexe, « Littérature française sur l’Inde », répertorie chronologiquement les principales œuvres. Viennent ensuite une annexe nommée « Littérature postcoloniale sur l’Inde et Pondichéry » et une annexe appelée « Travaux des indianistes français ». Un index des noms de personnes concerne les tomes 3 et 4. Couvrant les 4 tomes, une table des illustrations par chapitre, une table des cartes par chapitre et une table des tableaux et graphiques par chapitre terminent les annexes.

Dans le chapitre 10, l’auteur analyse les relations entre la France et l’Inde à propos de la colonisation. Nehru condamne la politique coloniale française, notamment en Indochine et en Afrique du Nord mais fait preuve d’une relative modération à l’égard de Paris car il a besoin de notre appui à l’ONU à propos du Cachemire et pour le règlement de la question des comptoirs.

L’accord franco-britannique de 1945 autorisant le survol du territoire indien par des avions militaires français se rendant en Indochine est renouvelé le 16 juillet 1947, donc moins d’un mois avant l’indépendance de l’Inde, par Nehru qui dirige le gouvernement intérimaire mais le nombre de vols est limité à huit par mois. Après l’indépendance Nehru interdit le survol sauf dérogations spéciales pour des appareils transportant des blessés. Il maintient une politique de neutralité entre Bao Dai (avec lequel la France a signé un accord le 5 juin 1948 reconnaissant l’indépendance du Vietnam) et Ho Chi Minh. Il admet certes qu’une sorte de guerre civile déchire le Vietnam mais refuse de condamner le Viêt-Minh. Nehru ne perçoit pas, nous dit l’auteur, le danger communiste. Il affiche une sympathie pour l’URSS. Il interdit le survol du territoire indien aux avions américains transportant des troupes françaises, ménage la Chine en ne réagissant pas à son invasion du Tibet et à l’agression de la Corée du Nord. Après la défaite française à Diên Biên Phu, l’Inde assure la présidence de la Commission internationale de contrôle de cessez-le-feu. Nehru et Zhou Enlai prônent le partage du Vietnam en deux zones d’influence.

Le 16 mars 1951, Nehru reçoit Bourguiba et accepte l’ouverture à Delhi d’un bureau d’information du Néo-Destour, qui sera effective en février 1953. L’aggravation de la situation en Tunisie en 1952 incite l’Inde à s’associer à d’autres pays à l’Assemblée générale des Nations unies pour exiger de la France la libération des nationalistes arrêtés. En février 1952, l’Inde exige comme d’autres pays dont le Pakistan que la question tunisienne soit examinée par le Conseil de sécurité. La requête est rejetée le 14 avril 1952. Les médias s’acharnent contre la France. L’importante communauté musulmane en Inde, estimée à 40 millions pour une population de 350 millions en 1947, pousse Nehru à soutenir les nationalistes du Maghreb. De ce fait, l’Inde est considérée comme un pays ami dans le monde arabe. Les relations entre la France et l’Inde en souffrent. Une motion soutenue par les pays arabo-asiatiques et l’Inde à l’Assemblée générale des Nations unies sur la question des protectorats français est rejetée le 12 décembre 1952. Une autre motion présentée par le Brésil se contentant de préconiser des négociations est acceptée. L’Inde apporte une aide financière au Néo-Destour. La crise de Bizerte en juillet 1961 donne l’occasion à Nehru d’affirmer une nouvelle fois sa sympathie au peuple tunisien.

L’Inde admet que le Maroc constitue une nation autour de son sultan mais n’accable pas la France. Sa retenue s’explique par la recherche d’un soutien français d’une part à la candidature de Vijaya Lakshmi Pandit à la présidence de l’Assemblée générale des Nations unies et d’autre part à la politique d’assimilation du Cachemire. Pour ne pas importuner la France, Nehru s’oppose en avril 1955 à l’invitation d’observateurs tunisiens et marocains à la Conférence de Bandoung. En mars 1956, il se réjouit de la volonté française d’accorder la souveraineté à la Tunisie et au Maroc. Mais la question algérienne plus complexe demeure.

Des intellectuels indiens et la presse accusent avec virulence la France d’exploiter l’Algérie et d’exercer une répression féroce contre les nationalistes algériens du Front de Libération Nationale (FLN) dont ils ne dénoncent jamais les atrocités. Bien que Krishna Menon, le représentant de l’Inde à l’ONU, condamne la guerre coloniale que mène la France en Algérie, Nehru, excédé par la brutalité du FLN, adopte une position plus pondérée. L’Inde et la France finissent par admettre que le Cachemire et l’Algérie sont des problèmes intérieurs, déniant ainsi à la communauté internationale la possibilité de s’y immiscer. Le Pandit H. N. Kunzru, doyen du Parlement indien effectue une visite en Algérie entre le 7 et 16 octobre 1957 et découvre son développement économique et social en même temps que l’existence de musulmans manifestant leur attachement à la France. Après son arrivée au pouvoir en 1958, de Gaulle confie à André Malraux une mission en Iran, en Inde et au Japon afin d’informer ces pays sur les intentions françaises. Son passage en Inde se traduit par une détente entre les deux pays. Invité par le parti du Congrès et non par le gouvernement indien, Ferhat Abbas, le chef du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), est reçu froidement à New Delhi le 8 avril 1959. Nehru refuse de reconnaître le GPRA et demande à Ferhat Abbas d’arrêter l’effusion de sang. Le 8 mai 1960, Nehru s’arrête à Paris en se rendant à Londres. De Gaulle le convainc que la résolution de la question algérienne passe d’abord par un cessez-le-feu avant toute négociation. Nehru reconnaît le GPRA le 2 juillet 1962 soit bien après la signature des accords d’Évian le 18 mars 1962.

Nehru condamne la décision unilatérale de Nasser de nationaliser le canal de Suez dont il n’a pas été informé préalablement. Il trouve toutefois justifiée la nationalisation du canal. L’intervention militaire franco-britannique-israélienne à compter du 29 octobre 1956 suscite la désapprobation du gouvernement indien et la colère des dockers de Madras qui boycottent les navires français et britanniques. Nehru fulmine lors de l’arrestation des dirigeants algériens du Front de Libération Nationale par l’armée de l’air française le 22 octobre 1956 mais ne dénonce pas l’entrée des chars soviétiques dans Budapest le 23 octobre 1956.

L’Inde se désintéresse quelque peu de l’Afrique noire. Toutefois, elle ne l’ignore pas. En 1957, Panikkar, son ambassadeur à Paris, effectue un séjour de trois semaines en AEF et en AOF et admet les réalisations françaises, routières, portuaires, scolaires et sanitaires.

Le chapitre 11 est consacré aux relations franco-indiennes sous la Ve République.

Après l’indépendance, le contentieux des comptoirs français subsiste. Nehru, francophile, refuse de recourir à une intervention armée contre Pondichéry comme il l’a fait pour récupérer le territoire portugais de Goa en décembre 1961. Il fait preuve de patience. Comme de Gaulle de retour au pouvoir en 1958, il revendique l’indépendance nationale et rêve de grandeur. Mais la France se montre surtout préoccupée par l’Afrique et privilégie la naissance de la construction européenne. La mission en Inde d’André Malraux fin 1958 promettait cependant de consolider les relations. En 1961, la France rejoint le Consortium d’aide à l’Inde. Après l’agression chinoise à l’est de l’Himalaya en octobre 1962, la France apporte une aide militaire modeste à l’Inde. Mais les discours indiens anticolonialistes et anti-occidentaux ne cessent pas. Le voyage en Inde en février 1965 de Georges Pompidou, précédé par un passage au Pakistan, n’apporte pas d’éléments nouveaux. La reconnaissance en janvier 1964 de la Chine communiste par la France déplaît à New Delhi qui par ailleurs dénonce nos essais nucléaires atmosphériques. Le resserrement des liens entre la France et le Pakistan concrétisé par les voyages en France des  chefs d’État Ayub Khan en 1967 et Yahya Khan en 1970 et la conclusion d’accords de coopération scientifique, culturelle et militaire, accroît les divergences franco-indiennes. Le soutien apporté à Islamabad lors des troubles au Pakistan oriental au moment où l’Inde prépare une intervention militaire pour soutenir les nationalistes bengalis complique encore plus les relations franco-indiennes. La neutralité de notre pays lors des votes à l’ONU relatives au conflit indo-pakistanais les apaisent.

L’auteur s’intéresse ensuite aux Indiens résidant en France et aux Français vivant en Inde. Environ 65 000 Indiens vivent en France, ce qui représente un faible pourcentage de la diaspora évaluée à trente millions de personnes. À ce chiffre s’ajoutent les descendants des travailleurs du sucre dans les Antilles, en Guyane et à la Réunion, au nombre approximatif de 420 000, désormais citoyens français. Seulement, environ 10 000 Français vivent en Inde, dont une majorité de Pondichériens. Quelques uns se sont distingués par leur réussite. Ainsi Francis Wacziarg découvre l’Inde en1969, se passionne pour elle et crée une chaîne d’hôtels de luxe dans de vieux palais ou autres bâtiments historiques magnifiquement restaurés. Décédé en 2014, il a légué des Neemrana Hotels, du Rajasthan au Tamil Nadu et à Pondichéry.

L’auteur souligne la faiblesse des échanges commerciaux. Les Indiens trouvent trop chers les produits français et trop rigoureuses les conditions de paiement. La Chambre de commerce et d’industrie franco-indienne (CCIFI), créée en 1983 par Francis Doré et présidée depuis 2009 par Dan Oiknine, a son siège à Levallois-Perret et possède des bureaux à Mumbai, Delhi, Bangalore et Chennai. En janvier 1986, Jean-Joseph Boillot et Philippe Humbert fondent l’Euro-India Economic & Business Group (EIEBG) pour développer les échanges commerciaux mais aussi promouvoir les liens culturels. Établi à Paris, ce groupe est représenté à Strasbourg, Mumbai, Delhi et Bangalore.

Un dialogue stratégique est établi en janvier 1998 avec la visite d’État de Jacques Chirac en Inde. Il aborde les sujets les plus sensibles relatifs à la sécurité. En matière de défense les liens se renforcent avec la signature d’un accord de coopération. En mai 1998, la France ne condamne pas les essais nucléaires indiens. La présence de l’Inde dans la partie orientale de l’océan Indien et de la France dans sa partie occidentale constitue un atout face à la Chine qui étend son influence. Une coopération s’établit pour lutter contre les groupes terroristes dont ceux basés au Pakistan. Les deux pays organisent régulièrement des manœuvres militaires communes, dénommées Varuna pour les marines (depuis 1998), Garuda (à partir de 2003) pour les armées de l’air et Shakti pour les armées de terre (depuis 2011). En 2016, l’Inde conclut un accord pour l’achat de 36 Rafale. La coopération spatiale se développe entre le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’Indian Space Research Organisation (ISRO).

Dans le domaine nucléaire, la France a établi des relations peu après l’indépendance de l’Inde. Un accord est conclu en 1970 pour construire à Kalpakkam près de Madras un réacteur semblable à celui de Cadarache. La coopération, un moment interrompue en 1974 après les essais nucléaires de Pokaran, a repris en 1982. Le 30 septembre 2008, les deux pays concluent un accord pour développer le nucléaire civil. En 2009, Areva s’engage à construire deux réacteurs à Jaitapur, au Maharashtra qui constitueront la plus grande centrale nucléaire du monde.

Des rencontres au sommet en Inde et en France permettent la réalisation de quelques projets comme le lancement de l’Alliance solaire internationale (ASI). Engie a construit une centrale solaire à Mirzapur en Uttar Pradesh.

Des initiatives décentralisées entre régions françaises et indiennes jouent un rôle non négligeable. Ainsi, la région des Pays de la Loire agit en partenariat avec le Tamil Nadu pour le développement économique (agroalimentaire) et l’enseignement supérieur (double diplôme d’ingénieur entre l’École centrale de Nantes et l’Anna University de Chennai). Elle participe à l’enseignement du français en ligne, soutient des artistes français se rendant en Inde et accueille des artistes indiens. La région Nouvelle Aquitaine (plus précisément le conseil régional de Poitou-Charentes) investit dans le domaine rural au Tamil Nadu. La région Centre, devenue Centre-Val de Loire, participe à des projets économiques, interuniversitaires et patrimoniaux (projet Chettinad de restauration de palais et autres demeures) avec cette province indienne. Le conseil régional de Rhône-Alpes facilite l’implantation en Inde de petites et moyennes entreprises par l’intermédiaire de l’association « Entreprises Rhône-Alpes International – ERAI) qui a installé des bureaux à Delhi et Bangalore. Les départements d’Ille-et-Vilaine et des Côtes d’Armor investissent dans l’action sociale, la Charente dans l’éducation. Le conseil régional de la Meurthe-et-Moselle réalise des travaux d’assainissement et de distribution d’eau dans le district d’Alappuzha au Kerala. La ville de La Rochelle s’intéresse à la préservation du patrimoine de Pondichéry où les belles demeures coloniales sont menacées par la spéculation immobilière. La chambre de commerce et d’industrie de la Réunion possède une antenne à Chennai. La compagnie aérienne réunionnaise Air Austral assure des vols entre Saint-Denis et Chennai.

Plusieurs centaines de groupes français sont implantés en Inde parmi lesquels Total, EDF, Lafarge, Saint-Gobain, Schneider Electric, Alstom, Renault, Peugeot, Michelin, Alstom, Safran, Thales. Des petites et moyennes entreprises mais en faible nombre ont conclu des contrats. Les entreprises indiennes s’intéressent à la France, notamment Lakshmi Mittal, Tata Steel, Ranbaxy, Mahindra.

Quelques pages sont consacrées à la perception de la France par les médias indiens. L’auteur se réfère notamment à un mémoire qu’il juge savoureux de Kilian Fichou de master 2 soutenu en 2010 à l’Université de Nantes : La France vue par la presse indienne (2007-2009). Fort diversifiés, les médias indiens portent des jugements très variables sur notre pays.

Le constat de l’auteur est clair. Il déplore que malgré les visites officielles, la France et l’Inde se connaissent mal. Il compte sur le développement du tourisme pour une meilleure compréhension mutuelle.

Les échanges culturels sont analysés dans le chapitre 12, le dernier. Malgré des affinités entre certaines élites, ils demeurent faibles. La France n’occupe que le septième rang pour la diffusion de films en Inde, devancée même par l’Allemagne. La France promeut peu sa langue et n’accueille pas beaucoup d’étudiants indiens dans ses universités. Même Malraux, ministre des Affaires culturelles de 1959 à 1969, n’a pu avoir raison des priorités africaines et arabes du général de Gaulle. À son actif figure une exposition d’art indien au Petit Palais, d’avril à juin 1960. Certes, un accord de coopération culturelle, scientifique et technique est signé le 7 juin 1966 mais la France met l’accent sur les échanges littéraires et artistiques alors que l’Inde recherche surtout  une coopération technique. Un manque de discernement que l’auteur souligne mais que n’a commis l’Allemagne.

Deux évènements marquants indiquent un certain rapprochement : l’année de l’Inde en France en 1985 et l’année de la France en Inde en 1989. Depuis 2012, à New Delhi dans le bâtiment où se trouvait l’ancienne ambassade de France, cohabitent l’Institut français, le Centre de sciences humaines (CSH), le Lycée français et le Bistrot. L’Institut français et le Centre de sciences humaines contribuent à développer la coopération linguistique et éducative, la coopération culturelle, et la coopération scientifique et technologique. Le français occupe la première place parmi les langues étrangères étudiées, si l’on fait exception de l’anglais, considéré comme langue officielle. Et ce malgré la faible implication de la France que déplore vivement l’auteur. Oeuvrant pour le compte du ministère des Affaires étrangères, le Lycée de Pondichéry, le Lycée de Delhi, l’École franco-indienne Sishya (EFIS) accueillent surtout des élèves français, pondichériens et expatriés. La France reçoit peu d’étudiants indiens, beaucoup moins que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Néanmoins, grâce à Campus France, le nombre d’Indiens formés en France augmente mais il reste sans commune mesure avec celui des Chinois. La maison de l’Inde au sein de la Cité internationale universitaire de Paris en héberge. Le nombre d’étudiants français en Inde est nettement inférieur à celui des étudiants indiens en France. Des accords se concluent entre institutions des deux pays, par exemple entre l’Indian Institute of Management d’Ahmedabad et l’ESSEC, entre le Management Development Institute de Gurgaon et l’ESCP-Europe, et entre l’Université de Delhi et Polytechnique.

Dix-sept Alliances françaises exercent en Inde, la plupart étant récentes à l’exception de celles de Pondichéry créée en 1889, de Karikal créée en 1890, de Mumbai créée en 1938 et de Kolkata créée en 1940. Presque toutes vivotent. L’ Alliance de Delhi fondée en 1956 qui porte aussi le nom de Centre culturel franco-indien et celle de Mumbai sont les mieux dotées en moyens financiers et accueillent les effectifs les plus importants. Les Alliances répondent à des besoins en cadres francophones exprimés par des entreprises indiennes implantées en France.

En fait, le Québec déploie une plus grande activité que la France pour conclure des partenariats avec les départements de français des universités indiennes, dont celle de Pondichéry. Des Indiens s’activent pour maintenir la place du français dans le système éducatif, notamment l’Association of Indian teachers of French (AITF), fondée à Bombay en 1953.

L’Inde n’a créé en France aucune institution. Un immeuble situé 3 avenue de Lowendal à Paris lui a été cédé pour établir un centre culturel.  L’INALCO enseigne plusieurs langues indiennes. L’université Jean Moulin – Lyon III et l’université de Provence offrent des cours de sanskrit et d’hindi. L’Institut d’études sud-asiatiques de l’université de Strasboug et l’université Jean Jaurès de Toulouse donnent des cours de sanskrit. La Maison des langues de l’université de la Réunion offre une formation en hindi et en tamoul. Les Comptoirs de l’Inde, une association présidée par Douglas Gressieux, organise des cours d’hindi mais aussi des conférences et un voyage annuel. Depuis 2002, à Le Mée-sur-Seine, le Cercle culturel franco-indien promeut la culture indienne en France et soutient un orphelinat à Chennai. Le Centre d’information et de documentation de l’Inde francophone (fondé par Roland Bouchet, ce que ne précise pas l’auteur), a publié une lettre sur les problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels de l’Inde. Le « Veilleur Inde » de l’université de Rouen animé par Paul Paumier s’intéresse aux mêmes problèmes. Par ailleurs quelques Français assurent la promotion de l’art indien et notamment de la danse. Le musée Guimet, l’un des plus riches musées d’art indien dans le monde, présente de magnifiques collections. Paris possède une « Petite Inde » entre le passage Brady et la rue Pajol.

Dans une brève conclusion, Jacques Weber estime que l’Inde commence à peine à se relever après, dit-il, avoir été dévastée par des invasions musulmanes successives puis dominée et exploitée par les Britanniques. Ignorée par les milieux politiques parisiens, elle a fasciné de nombreux écrivains français qui la considèrent comme le berceau de la civilisation. Dès le XVIIIe siècle, la France a connu de grands indianistes qui ont fait d’elle un sanctuaire des études indiennes. Notre pays a inspiré les nationalistes indiens dont certains ont trouvé refuge à Chandernagor, Pondichéry et même à Paris. Notre littérature a retenu l’attention et alimenté la francophilie au Bengale et aussi dans les milieux parsis de Bombay. L’auteur rend un émouvant hommage à une jeune Bengalie morte dans la fleur de l’âge, Toru Dutt qui après avoir publié avec sa sœur Aru une anthologie de la poésie française a rédigé en français le premier roman jamais écrit dans notre langue par un Indien. Entre l’Inde dont l’influence grandit dans le monde et la France, les relations s’améliorent dans les domaines politique, économique et militaire.

 

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