Recension de l’ouvrage L’Indo-pacifique, sous la direction de Delphine Allès et Christophe Jaffrelot, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 2024
En 189 pages et 8 chapitres, 16 auteurs traitent de l’Indo-pacifique sous ses divers aspects politiques, économiques et militaires.
Dans leur introduction, Delphine Allès, vice-présidente de l’Institut national des langues et civilisations orientales et Christophe Jaffrelot, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, qui ont dirigé l’ouvrage, affirment que le concept d’Indo-Pacifique est né en 2007 avec un discours du Premier ministre japonais. Auparavant, la même année un ancien officier de marine indien avaient mentionné la convergence des intérêts indiens et japonais dans le domaine de la sécurité maritime. Le concept s’est généralisé. Seules la Russie et la Chine le refusent. En fait, la zone correspondant au concept varie selon les pays. La Chine s’impose par l’ouverture d’une base navale à Djibouti et de ports à vocation duale civile et miltaire à Kyaukpyu, (et non pas Sittwe cité à tort par les auteurs) Chittagong, Hambantota, Gwadar et Mombasa. Face à elle, l’Inde en plein développement économique s’affirme par une intense activité diplomatique. En 2019, elle a créé une Indo-Pacific Oceans Initiative (IPOI) à vocation multiple. Les inquiétudes que suscite la Chine explique la création en 2007 du Dialogue quadrilatéral de sécurité, le Quad, réunissant l’Inde, le Japon, l’Australie et les États-Unis, actif seulement à partir de 2017 et celle d’une sorte d’alliance dénommé AUKUS réunissant l’Australie, le Royaume Uni et les États-Unis. Tous ces pays revendiquent la liberté de circulation sur les mers. Ils organisent des manœuvres navales communes. Pour bien montrer l’unicité du théâtre d’opérations, l’United States Indo-Pacific Command (USINDOPACOM) remplace l’United States Pacific Command (USPACOM) en 2018 comme cela est précisé plus loin dans le livre. […]
Le chapitre 1, comme son nom l’indique « Puissance chinoise et Indo-Pacifique » , décrit sur 16 pages les actions de la Chine dans la zone indo-pacifique. Pékin accuse le concept de poursuivre la guerre froide. La Chine occupe le second rang parmi les puissances militaires mondiales, derrière les États-Unis. Annuellement, elle consacre à la défense 220 milliards de dollars, beaucoup plus que l’Inde dont le budget militaire s’élève à 73 milliards de dollars. Depuis 2017, la Chine dispose d’une base militaire à Djibouti. Fondée en 2001, l’Organisation de coopération de Shanghai s’intéresse aux menaces non conventionnelles, notamment le terrorisme, le séparatisme et l’extrêmisme. Aux membres fondateurs, Chine, Russie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan et Tadjikistan, s’ajoutent depuis 2017 l’Inde et le Pakistan et depuis 2023 l’Iran. Les routes de la soie, terrestres et maritimes, contribuent au rayonnement de la Chine qui a signé des accords de coopération avec de nombreux pays. Le développement de l’infrastructure constitue le domaine privilégié des réalisations chinoises. Celles-ci incluent des routes, des voies ferrées, des canaux, des gazoducs, des oléoducs, des ports, des aéroports. Les pays bénéficiaires en tirent certes des profits. Mais des effets négatifs apparaissent, en particulier la corruption, la détérioration de l’environnement et l’accumulation de dettes. La construction de centrales à charbon se poursuit au Pakistan malgré un engagement pris en faveur de la lutte contre la pollution. La difficulté éprouvée par certains pays à rembourser les prêts chinois a créé des crises en Zambie en 2020 et à Sri Lanka en 2022. Certains projets tardent à se réaliser, comme le port de Gwadar au Pakistan. Dans ce pays, des ingénieurs et ouvriers chinois sont victimes d’actes terroristes. De ce fait, la Chine y réduit ses ambitions. L’Inde s’oppose aux routes de la soie. Elle accuse la Chine de construire avec le Pakistan un corridor à travers le Cachemire qu’elle revendique dans sa totalité. Les infrastructures chinoises dans les ports de Gwadar au Pakistan, de Colombo et Hambantota à Sri Lanka et Kyaukpyu en Birmanie l’inquiètent. Un focus de deux pages in fine consacré aux pays du golfe arabo-persique montre l’intérêt porté par l’Inde à la création d’un corridor économique liant l’Inde à l’Europe via le Moyen-Orient. C’est pour elle une façon de contrebalancer les actions de la Chine.
Le chapitre 2 « La politique étrangère américaine dans l’Indo-Pacifique » (16 pages) souligne la volonté des États-Unis de demeurer la première puissance mondiale. Ils excluent la partie occidentale de l’océan Indien de la zone indo-pacifique mais incluent la totalité de l’océan Pacifique. Pour mieux contrer la Chine, ils comptent sur le Quad et l’AUKUS. Ils renforcent la coopération régionale en participant à des exercices militaires multilatéraux notamment dans le cadre du Rim of the Pacific (RIMPAC). Des partenariats bilatéraux et des accords divers les lient à de très nombreux pays asiatiques et de l’océan Pacifique. En matière de renseignement, ils s’associent tout particulièrement avec le Japon et la Corée du Sud. En 2022, les États-Unis ont créé l’Indo-Pacific Economic Framework (IPEF) avec l’Inde, l’Australie, Brunei, l’Indonésie, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, les Philippines, le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle Zélande et les Fidji. Un focus de deux pages in fine consacré aux réorientations stratégiques de la diplomatie scientifique en Indo-Pacifique mentionne les atouts technologiques des membres du Quad, en particulier dans le domaine de l’intelligence artificielle mais souligne aussi leur vulnérabilité à l’égard de la Chine.
Dans le chapitre 3 de 16 pages « La coopération multilatérale : de l’Asie-Pacifique à l’Indo-Pacifique » , Delphine Allès rappelle les divergences des divers pays pour définir la zone indo-pacifique et le rejet de ce concept par la Chine et la Russie. La centralité de l’Association of South-East Asian Nations (ASEAN) est reconnue par la plupart des pays. L’ASEAN Regional Forum datant de 1993 et les East Asian Summits (le premier a eu lieu en 2005) rassemblent les principaux acteurs régionaux et extrarégionaux pour discuter des problèmes sécuritaires. Plusieurs membres de l’ASEAN, en particulier la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, l’Indonésie effectuent des patrouilles communes depuis 2004 pour assurer la sécurité du détroit de Malacca en proie à des actes de piraterie. Depuis 2007, l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines s’associent pour lutter contre le terrorisme. Face à la Chine, divers mécanismes complètent le Quad et l’AUKUS, notamment les rencontres trilatérales France-Inde-Australie depuis 2021, le pacte trilatéral États-Unis, Japon, Corée établi en 2023 et le dialogue France-Inde-Émirats arabes unis créé également en 2023. Les exercices militaires se multiplient. Les manœuvres navales Malabar organisées par l’Inde depuis 1992 avec les États-Unis associent depuis 2007 l’Australie, le Japon et Singapour. Le Forum de Shangri-La organisé depuis 2002 à Singapour par le think tank britannique International Institute for Strategic Studies (IISS) rassemble de très nombreux actifs régionaux, européens et américains. Il en est de même pour le Council for Security Cooperation in the Asia Pacific (CSAP) qui se réunit depuis 1992. Taïwan exclu des organisations officielles participe parfois à des réunions de ces institutions. Ce pays fait l’objet d’un focus de deux pages in fine. Son existence repose sur la dissuasion américaine. Il se trouve au cœur des chaînes mondiales d’approvisionnement des semi-conducteurs. Dans la zone indo-pacifique, Taïwan entretient des relations diplomatiques avec les îles Marshall, Palau et Tuvalu.
Dans le chapitre 4 de 20 pages « Les Européens et l’Indo-Pacifique : quelle alternative ? », Christophe Jaffrelot décrit les divergences entre les pays européens, dans la définition de la zone et dans les priorités à établir, certains attribuant une place essentielle à la sécurité et d’autres à l’économie. Mais tous cherchent à se démarquer des États-Unis et s’accordent à dire que l’Indo-Pacifique a pour vocation de contrer la Chine. Ils dénoncent l’expansionnisme de la Chine mais en évitant toute hostilité frontale à son égard. La France a été le premier pays de l’Union européenne à accorder une priorité à l’Indo-Pacifique. L’Allemagne qui l’a suivie souhaite éliminer les réglémentations chinoises faisant obstacle à ses exportations. Les échanges commerciaux constituent pour elle une priorité. En décembre 2022, la China Ocean Shipping Company (COSCO) a acquis un terminal du port de Hambourg. Certains pays européens s’opposent à la conclusion d’un traité de libre-échange avec la Chine. Pour l’Union européenne la zone indo-pacifique s’étend des côtes africaines à la Polynésie française, pour la France elle s’étend des côtes africaines aux côtes américaines, pour l’Allemagne elle s’étend des côtes africaines à seulement la Nouvelle-Zélande. Le Royaume-Uni n’a pas défini officiellement la zone mais semble inclure certaines côtes africaines, les côtes nord-américaines et les îles Pitcairn qui lui appartiennent. Pour la France l’aspect sécuritaire revêt une grande importance du fait qu’elle possède des territoires dans la zone qui lui donnent 9 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive. Elle possède des troupes en océan Indien et dans l’océan Pacifique, dans ses possessions mais aussi à Djibouti et aux Émirats arabes unis.
L’Union européenne affirme l’importance des échanges économiques avec la Chine mais accorde aussi une grande importance à la sécurité comme le montre le programme Critical Maritime Routes Indo-Pacific (CRIMARIO) adopté en 2015 pour faciliter le partage d’informations avec ses partenaires des océans Indien et Pacifique. Cette préoccupation sécuritaire apparaît aussi dans la plateforme Indo-Pacific Regional Information Sharing (IORIS) et dans les Information Fusion Centres (IFC). La France développe ses relations avec le Japon et surtout l’Inde. Elle a vendu à l’Inde des Mirages 2000 en 1982, des sous-marins Scorpène en 2005, des Rafales en 2015. Elle organise avec elle des manœuvres navales, terrestres et aériennes. Un partenariat stratégique lie les deux pays depuis 1998. Un Logistic Support Agreement signé en 2018 permet aux deux marines d’avoir réciproquement accès à des bases navales. La France accroît également ses relations avec les pays de l’ASEAN, notamment la Thaïlande et l’Indonésie. Elle fait par ailleurs partie du trio FRANZ (France, Australie, Nouvelle-Zélande). En 1986, elle a rejoint la Commission de l’océan Indien, en 2008 l’Indian Ocean Naval Symposium (IONS) et en 2020 l’Indian Ocean Rim Association (IORA). In fine, un focus de deux pages mentionne l’importance des think tanks qui organisent des réunions communes. Le dialogue de Shangri-La est organisé chaque année à Singapour par l’International Institute for Strategic Studies.
Le chapitre 5 de 17 pages « L’Indonésie aux manettes derrière la vision indo-pacifique de l’ASEAN » montre le peu d’intérêt que l’Indonésie porte à la zone indo-pacifique. Elle est l’un des cinq pays fondateurs de l’ASEAN. En terme de population, elle est le quatrième pays du monde et le premier pays musulman. Sa vision de l’Indo-Pacifique englobe la totalité des océans Indien et Pacifique. Les pays de l’Asie du Sud-Est considèrent que le concept d’Indo-Pacifique a été créé par des puissances extérieures à la zone afin de contenir la Chine. Aucun d’entre eux n’a formulé une stratégie à l’égard de ce concept qui leur apparaît comme un facteur de division. Un focus de deux pages s’insère in fine dans le chapitre pour analyser l’attitude de l’Inde à l’égard de l’Indo-Pacifique. Raphaëlle Khan montre l’intérêt que porte New Delhi à ce concept considéré comme une réplique à l’expansionnisme chinois. L’Inde craint la montée en puissance de l’armée chinoise et l’utilisation duale éventuelle des ports en eau profonde que la Chine contrôle en océan Indien. Elle refuse de faire partie du réseau des routes de la soie. Elle améliore sa connaissance du domaine maritime grâce à la création en 2014 d’un Centre d’analyse et de gestion de l’information et en 2018 d’un Centre régional de fusion de l’information maritime. Elle promeut la coopération en matière de sécurité par l’intermédiaire du Symposium naval de l’océan Indien (en anglais, l’Indian Ocean Naval Symposium – IONS). Elle signe des partenariats stratégiques avec de nombreux pays dont les États-Unis, la France, le Japon et l’Australie. Et elle est l’un des membres du Quad, tout en refusant toute forme d’alliance militaire.
Le chapitre 6 de 17 pages « Une région économique ? De l’Asie-Pacifique à l’ Indo-Pacifique » aborde les relations économiques entre les différents acteurs internationaux. Le Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership (CPTPP) reste le plus ambitieux des traités de libre-échange multilatéraux malgré le retrait des États-Unis. En 2018, onze pays l’ont signé : l’Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam. Le texte a été rédigé de façon à rendre extrêment difficile, voire impossible l’adhésion de la Chine. En concurrence, un autre accord a été conclu en 2020, excluant les États-Unis mais incluant la Chine, le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP). En plus de la Chine, quatorze autres États l’ont signé : Australie, Birmanie, Brunei, Cambodge, Corée du Sud, Indonésie, Japon, Laos, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. Ainsi, les pays de l’ASEAN se trouvent connectés comme ils le souhaitaient avec les trois grandes puissances de l’Asie orientale, Chine, Corée du Sud et Japon. L’Indo-Pacific Framework for Prosperity (IPEF) conclu en 2022 (date non mentionnée dans le chapitre) sur initiative américaine, vise à structurer la coopération économique internationale sans la Chine, en tenant compte des problèmes de sécurité nationale. Il s’adresse tout particulièrement à la résilience des chaînes d’approvisionnement qui a fait l’objet d’un accord spécifique en 2023. La réorganisation de certains secteurs industriels comme ceux des semi-conducteurs et de l’informatique est en cours. Pour renforcer la résilience, des grandes firmes internationales construisent des usines en Inde dans le but de limiter le risque chinois. L’Australie, Brunei, Fidji, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Corée du Sud, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam font partie de l’PEF.
Les investissements chinois ont provoqué dans certains pays des crises dues à des difficultés à rembourser des prêts. C’est le cas au Pakistan, à Sri Lanka, au Cambodge, au Kenya et en Zambie. Des défauts de paiement ont parfois abouti au contrôle par la Chine d’infrastructures, comme le port de Hambantota à Sri Lanka. En matière d’investissements en Asie du Sud-Est, le Japon devançait la Chine en 2022. Les pays du Quad investissent pour développer les infrastructures, surtout les câbles sous-marins, un secteur où la Chine est active. In fine, un focus de deux pages est consacré aux engagements britanniques en Indo-Pacifique. Le Royaume-Uni a signé des accords de libre-échange avec l’Australie, le Japon, la Corée du Sud et Singapour. Il participe à des exercices militaires régionaux. Des accords de défense ont été conclus avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et Singapour. Par ailleurs, la coopération militaire s’intensifie avec le Japon, la Corée du Sud et l’Inde. Sa participation à l’AUKUS concrétise son ancrage dans la zone.
Le chapitre 7 de 15 pages « Menaces et nouvelles formes de coopération : les enjeux sécuritaires de l’ Indo-Pacifique » aborde la menace chinoise et les liens internationaux qui se créent dans le domaine de la sécurité au sens le plus large. L’Inde, acteur majeur et l’un des principaux clients de l’industrie de défense russe, s’est rapprochée des États-Unis. La Chine exploite sans retenue les ressources halieutiques des océans Indien et Pacifique, y compris dans les eaux territoriales des pays riverains. Les gisements off-shore gaziers et pétrolifères ainsi que les nodules polymétalliques l’intéressent au plus haut point. Ses revendications en mers de Chine orientale et méridionale suscitent des réactions notamment au Japon, au Vietnam et aux Philippines. L’entreprise informatique chinoise Huawei provoque des craintes. Pour sécuriser les données, les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni, le Japon et la France ont interdit son accès au marché de la 5 G.
La Chine s’efforce d’évincer les États-Unis de son pourtour. Son but est de récupérer Taïwan. Désormais, la flotte militaire chinoise occupe la première place dans le monde. À ses capacités conventionnelles et nucléaires s’ajoutent ses attaques cyber et son espionnage industriel. La Corée du Nord accroît son potentiel nucléaire. Face à l’accroissement des tensions, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et les États-Unis augmentent leurs budgets de défense. Un programme commun au Japon, au Royaume-Uni et à l’Italie prévoit de fabriquer un nouvel avion de combat. Le Quad rassemble le Japon, l’Inde, l’Australie et les États-Unis. L’AUKUS réunit l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Des manœuvres navales « La Pérouse » rassemblent des bateaux français, indiens, australiens, canadiens, britanniques et américains. Les États-Unis fournissent des armes à Taïwan. Des structures de concertation existent comme l’ASEAN Regional Forum. Les pays occidentaux s’efforcent de moins dépendre de la Chine. La crise de la COVID a révélé leurs vulnérabilités. La coopération industrielle se développe entre les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud. La firme taïwanaise TSMC produit des semi-conducteurs aux États-Unis.
In fine, un focus de deux pages, « L’Indo-Pacifique, un récit géopolitique japonais » apporte quelques précisions sur la politique du Japon, promoteur du Quad.
Le chapitre 8 de 17 pages « Quelle place pour l’océan Indien dans l’ Indo-Pacifique ? » mentionne les divergences existantes pour définir le contour de la zone indo-pacifique. Les pays riverains du Moyen-Orient et d’Afrique se sentent peu concernés par le concept indo-pacifique. Certains entretiennent des relations étroites avec la Chine. Seul le Kenya attache une certaine importance au concept de l’Indo-Pacifique.
Les États-Unis et l’Australie excluent la partie occidentale de l’océan Indien. Dans cette partie, les États-Unis possèdent deux grands commandements : l’United States Central Command (USCENTCOM) et l’United States Africa Command (USAFRICOM). L’Indian Ocean Rim Association (IORA) qui réunit 23 États (sans Djibouti, le Pakistan et la Birmanie) a défini sa vision pour la zone en 2022. L’United States Indo-Pacific Command (USINDOPACOM) s’étend à l’ouest jusqu’à l’Inde mais pas au delà. Il inclut les Maldives et l’archipel des Chagos où se situe la base de Diego Garcia. Les États-Unis ont signé un accord de défense avec les Maldives.
Le Japon veut développer un corridor industriel reliant le Bangladesh à l’Asie du Sud-Est et réalise des infrastructures significatives au Kenya (expansion du port de Mombassa et construction de la zone économique spéciale de Dongo Kundu), au Mozambique (développement du port de Nacala) et à Madagascar (extension du port de Taomasina). L’Inde s’implique tout particulièrement dans le golfe du Bengale. Elle organise des patrouilles de surveillance maritime communes avec d’autres pays bien au delà ce golfe. Elle possède des points d’appui dans la partie occidentale de l’océan Indien, notamment à Dumq à Oman et dans l’île d’Agaléga appartenant à Maurice. Le Bangladesh a proposé sa vision en 2023 en insistant sur la liberté et l’ouverture. La même année, Sri Lanka reconnaît l’interconnexion des deux océans Indien et Pacifique mais affirme en même temps leurs spécificités. Les pays de l’ASEAN admettent certes eux aussi ce lien interocéanique mais dans la réalité concentrent leur attention sur les mers de Chine et l’océan Pacifique. Ils ne veulent en aucun cas être marginalisés. En océan Indien la France bénéficie de ses possessions, la Réunion et Mayotte et possède par ailleurs des bases à Djibouti et Abu Dhabi. Elle fait partie de la Commission de l’océan Indien et de l’Indian Ocean Rim Association (IORA). Dans le Pacifique sud, ses possessions lui procurent de même des avantages certains.
L’Afrique du Sud participe à l’élaboration d’une vision africaine de l’Indo-Pacifique. La plupart des pays riverains de l’océan Indien considèrent que le concept indo-pacifique a été soutenu par les États-Unis afin de contrer la Chine. Leurs priorités incluent la lutte contre le terrorisme, la piraterie maritime, les trafics d’êtres humains d’armes et de drogues, la pêche illégale et la pollution.
La Chine a réalisé des projets d’infrastructures importants concernant les ports (Tanzanie, Kenya, Pakistan, Sri Lanka, Bangladesh, Birmanie) et les voies ferrées (Kenya, Éthiopie, Djibouti). Mais dans certains pays les dettes qui en résultent s’accumulent. Par ailleurs, la Chine dispose d’une base à Djibouti et a construit et financé la seule base navale sous-marine du Bangladesh. Elle fournit des armes à ce pays ainsi qu’à la Thaïlande. Le Pakistan aurait dû être ajouté comme pays importateur de systèmes d’armes chinois. De même l’aide militaire apportée par la Chine aux Maldives aurait pu être mentionnée. Par ailleurs, la Chine a fondé un Forum annuel Chine-océan Indien pour la coopération et le développement, excluant l’Inde.
Inquiète de l’activisme chinois, l’Inde réagit notamment par le programme Security and Growth for All in the Region (SAGAR) créé en 2011 pour promouvoir la sécurité en océan Indien. Le Conclave de sécurité de Colombo rassemblant l’Inde, Sri Lanka, les Maldives et Maurice vise le même but. Un autre programme, plus large, incorporant les États du golfe du Bengale et du Sud-Ouest de l’océan Indien, le Maritime Heads for Active Security and Growth for All in the Region (MAHASAGAR) a été lancé en 2023 par l’Inde. Soutenue par les États-Unis, l’Inde déplore les escales à Sri Lanka de navires de surveillance chinois.
Globalement, les pays de l’océan Indien espèrent profiter des investissements étrangers mais veulent éviter d’être entraînés dans un affrontement sino-américain.
En marge du chapitre et in fine, un focus de deux pages se consacre au thème « Les entrepreneurs politiques et le récit géopolitique indo-pacifique de l’Australie ». Un autre focus de deux pages aborde le thème « L’Océanie, le cœur battant de l’Indo-Pacifique ». Pour l’Australie, comme pour l’Indonésie, le concept de l’Indo-Pacifique prend tout son sens. Quant aux pays océaniens, ils ne disposent pas de forces militaires et paramilitaires significatives. Mais la Micronésie connaît une militarisation à Guam, aux Mariannes du Nord et à Palau.
Le nombre élevé d’auteurs explique la répétition de certaines données. Mais cela ne nuit pas à l’ouvrage qui analyse bien les multiples facettes de l’Indo-Pacifique. Tous les chapitres sont accompagnés de cartes qui facilitent la compréhension.
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