Trump a déclaré, lors de son discours d’investiture, vouloir contrôler l’Arctique avec l’incorporation du Canada dans l’Union et avec l’acquisition du Groenland – la continuité de l’achat en 1867 de l’Alaska à la Russie. Il veut chasser la Chine d’Amérique latine dans l’esprit de la politique de Monroe1, avec comme première mesure, la reprise du canal de Panama. Le golfe du Mexique deviendra alors le golfe de l’Amérique. Vivons-nous le piège de Thucydide entre la puissance dominante – Sparte/États-Unis – et la puissance montante – Athènes/Eurasie – avec Trump poursuivant l’obsession américaine d’être le maître du monde, dans la continuité d’Obama, « Le temps de notre domination, c’est maintenant » ? Réactiver la géopolitique du XIXe siècle à la mode du XXIe siècle, reste déconcertant ! Mais Trump use d’un cynisme éclatant en lieu et place du vice discret des politiques d’antan. C’est aussi un homme d’affaires pragmatique qui ne croit pas au savoir académique des Yale et Stanford. Ses propositions, en apparence aberrantes, déclenchent des réactions qui, une fois analysées, lui permettent de décider de la politique à suivre dans la discontinuité ou la continuité.
ROSSIN Maurice
Maurice ROSSIN
Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n° 191/2025-02 sommaire
1- ÉVÉNEMENTS MAJEURS RÉCENTS ET ENJEUX DE DEMAIN ASIE MÉDIANE Afghanistan – Pakistan – Chine Un corridor convoité, le Wakhan, Alain Lamballe, Asie21 ASIE DE L’EST Chine Centrale solaire orbitale, Philippe Coué, Asie21 Chine – États-Unis Trump : un nouvel ordre mondial ? Maurice Rossin, Asie21 Chine – Monde Double face ? Jorge Lusaf, Asie21 … Lire la suite
Chine : Enquête de sauvegarde sur le marché chinois de viande de bœuf
Dès juin 2024, la CAAA* et neuf associations provinciales avaient dénoncé les importations subventionnées de viande de bœuf, qui mettaient leur production en péril. Le 27 décembre 2024, le ministère du Commerce de Chine a finalement annoncé une enquête de sauvegarde sur les importations mondiales de bœuf. L’enquête porte sur tous les produits de bœuf frais, réfrigérés et congelés évalués à 14,2 milliards de dollars en 2023 (contre 8 milliards de dollars en 2019).
Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n° 190/2025-01 sommaire
1- ÉVÉNEMENTS MAJEURS RÉCENTS ET ENJEUX DE DEMAIN ASIE DE L’EST Chine Un surprenant modèle de société, Edouard Valensi, Asie21 Encadré 1 Rapport sur la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social 2023 et du projet de Plan national de développement économique et social 2024 Encadré 2 La politique de natalité … Lire la suite
Chine – États-Unis – Sud global : Le tour du monde de Xi jinping de novembre 2024. Le Sud global contre l’Occident
L’élection de Trump aux États-Unis a donné une nouvelle dimension au voyage de Xi en Amérique latine. Xi, en inaugurant le port de Chancay, a planté le dernier clou dans le cercueil de la doctrine Monroe1. Le renforcement des liens commerciaux entre les deux continents s’accélère, entre l’Asie et ses industries chinoises, le Pérou avec ses ressources minières et le Brésil, ferme du monde. Depuis des dizaines d’années, la politique des États-Unis vis-à-vis de l’Eurasie a été le containment, l’endiguement avec un instrument, la force, et plus de 800 bases militaires. La réponse politique de la Chine a été le désencerclement avec les routes de la soie et le commerce international, complété aujourd’hui par le contre-encerclement avec l’attaque du système financier de 1944 et de son étalon, le dollar. Au multilatéralisme rejeté par Trump, président du « one indispensable nation in world affairs »2, Xi répond par des actions concertées avec les BRICS* et le Sud global, qui ne veulent pas continuer à enrichir le maître états-unien en finançant leur propre soumission.
Chine – Mercosur – Union européenne : Le cœur de l’Union européenne balance entre le Mercosur et la Chine
« Le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. »
La Chine aurait-elle conquis l’Amérique latine ? La Route de la soie avec ses navires remplace les GI et leurs bases militaires. C’est l’aboutissement d’une politique d’influence dont les armes sont le commerce, nourri par les protéines animales (viandes) et végétales (soja) et le maïs d’une agriculture latino-américaine florissante. L’Europe, engluée dans ses querelles internes, sans boussole ni militaire ni économique, montre ses limites avec le Mercosur. Depuis 30 ans, on cause sans aboutir, avec des sujets de désaccord où le ridicule frôle l’absurde. La France mobilise ses éleveurs de bovins pour lutter contre ce « traité assassin ». En 2023, sa filière de viande bovine est déficitaire de 87 000 t et elle a importé 1 301 t du Brésil, qui, lui-même, en a exporté plus de 2 millions, avec la Chine pour premier client. Et si le problème était autre que celui du charolais, bouc émissaire (!) qui ne concurrencera jamais la pampa. Raminagrobis Xi et son compère Lula pourraient nous surprendre au G20 de Rio : Complicité et réalisme sont les deux mamelles de la vista politique.
Chine – Union européenne : La voiture électrique de la discorde
L’UE* a confirmé les droits d’importation sur les VE* chinois. La Chine a réagi avec une mesure similaire sur des produits agricoles dont, en premier, le cognac. Spectaculaire mais de faible importance. En 2005, la Chine produisait 5 000 voitures, aujourd’hui, 27 millions dont les 3/4 des VE et batteries du monde, elle sera bientôt le premier exportateur mondial de véhicules. France et Allemagne sont en désaccord sur la ligne à suivre. D’un côté, des taxes pour que notre industrie s’adapte à la compétition chinoise, de l’autre, une association entre industriels chinois et européens (allemands) pour mener l’explosion du marché mondial des VE*. La Chine, qui a déjà digéré les hausses douanières, devrait continuer la bataille en taxant les importations de véhicules de l’UE, et peut-être en mariant, à sa manière, les avionneurs nationaux Comac* et Embraer* pour produire des appareils concurrents d’Airbus et Boeing. On pensera BRICS avec le marché chinois en ligne de mire. C’est un combat de titans entre les grands du commerce mondial, les moyens de transports étant les premiers secteurs d’échanges commerciaux.
Azerbaïdjan – Nations unies – Europe : Cop29 à Bakou
Pour la première fois, un pays du Caucase, l’Azerbaïdjan, est l’hôte de la 29e conférence sur les changements climatiques qui se déroule à Bakou du 11 au 22 novembre 2024. Elle s’est ouverte en présence du Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, et de Charles Michel, président du Conseil européen, et en l’absence des grands ténors mondiaux.
Eurasie – Europe : Sentinelle à l’ouest de la Grande Eurasie ? Pour la conquête de l’Est jusqu’à la Mer d’Okhotsk ?
La réunion des BRICS à Kazan en octobre avait permis une rencontre entre Xi et Modi et un accord historique entre la Chine et l’Inde. Quelques mois plus tôt, la Chine avait réussi un rapprochement entre deux vieux ennemis, l’Iran et l’Arabie Saoudite. La réunion de Valdai, club de réflexion créé en 2014, dont le thème était « Une paix durable sur quelle base ? Sécurité commune et égalité des chances pour le développement au XXIe siècle », était une occasion pour Poutine d’exposer ses vues politiques sur les affaires du monde. Ces deux succès diplomatiques en constituaient la toile de fond. Un dialogue plus ciblé avec Glenn Diesen, professeur norvégien de géopolitique, lui a permis de préciser sa vision sur la place de l’Europe dans cet ensemble, dépendance américaine… à la conquête de l’Est ou sentinelle à l’ouest de la Grande Eurasie ?
Monde : L’histoire est le paysan de la géographie
Histoire et géographie sont les deux mamelles du géopoliticien. L’histoire du paysan, c’est celle d’un parasite de la nature – dont il est partie. Il la façonne tel un artiste pour en faire un lieu de vie agréable, c’est en ce sens que l’histoire est devenue, selon la belle formule de Sylvain Tesson1, le paysan de la géographie, résultat, durant des siècles, de ses actions pour s’ancrer à la terre : les chasseurs cueilleurs s’étaient stabilisés, ils étaient devenus agriculteurs, et la terre terroir. Sculpteurs des paysages, ils avaient su associer le beau et l’efficace pour durer, pour faire la vie.
Chine – Europe : La victoire pyrrhique d’Ursula ?
Le 4 octobre 2024, Ursula von der Leyen a déclaré avoir « obtenu le soutien nécessaire des États membres de l’UE pour l’adoption de tarifs douaniers ». Le montant des taxes perçues est censé corriger les subventions versées par la Chine à ses constructeurs nationaux exportateurs (calcul de la CE). Le « couple franco-allemand », malgré une rencontre Macron – Scholz le 1er octobre à Berlin, s’est dissocié. La France pour et l’Allemagne contre, tout un symbole de l’UE. La Chine a rétorqué immédiatement en taxant immédiatement les importations de brandys. La guerre commerciale est engagée, la victoire de l’UE sera à la Pyrrhus, et, outre ses coûts, elle « renforcera l’aliénation en évacuant la réalité »1.
Chine – Brésil – Asie – Amérique latine : Xi et Lula, la voie Pacifique du développement
L’économique est, avec le commerce, le moteur des changements du monde. L’ère des conquêtes par les armes est révolue. L’Amérique latine, le Brésil à sa tête, n’est plus le backyard * des États-Unis. Finie la doctrine Monroe, terminés les coups d’État pour imposer « la démocratie ».
La renaissance économique de l’Asie a entraîné le réveil de l’Amérique : les complémentarités se révèlent. La Chine est arrivée, tranquillement, sans soldatesque ni missionnaires, avec des ressources financières pour faire des affaires dans la durée. Le port de Chancay (Pérou) en eau profonde ouvre des perspectives avec un transport maritime sûr dans le Pacifique.
Le Brésil, qui n’avait pas l’autosuffisance alimentaire il y a 40 ans, a pris le relais du food power * états-unien avec la Chine comme 1er client.
Lula rencontrera Xi prochainement. Tous deux connaissent la terre, jaune pour Xi, sèche pour Lula. Ils ont un ennemi commun, la pauvreté, en particulier celle du monde rural. Ils ont beaucoup d’expérience à échanger, l’Amérique latine serait-elle en train de se siniser économiquement ou la Chine de se latiniser ?
Extrême-Orient russe – France : Vladivostok, EEF 3 – 6 septembre, la France absente. Les absents ont toujours tort
Le 9e Forum économique de l’Est s’est tenu à Vladivostok du 3 au 6 septembre 2024 en présence de Poutine. Le thème, cette année, était : « Extrême-Orient 2030 : Unissons nos forces pour créer de nouvelles opportunité ». Plus de 6 000 invités de 70 pays y participaient avec une centaine de tables rondes dont la moitié sur le développement de l’Arctique. Parmi les invités, on notait le vice-président de la république populaire de Chine, Han Zheng, et le Premier ministre de Malaisie, Anwar Ibrahim. La France était absente.
Chine – Allemagne : Affaires et Politique – Geschäft ist Geschäft – et théâtre d’ombres
Les États-Unis s’opposent à la marche de l’Europe vers l’Est – Russie et Chine – et ajustent leur économie à cette politique. L’Allemagne, locomotive de l’Europe industrielle est, de ce fait, le 1er pays dans le collimateur américain. Le 1er acte fut la destruction de Nord Stream : annoncé urbi et orbi le 7 février 2022 par Biden, réalisé le 26 septembre, puis nié par ses auteurs. L’Europe perdait sa ressource énergétique russe bon marché, remplacée par l’énergie américaine. Acte de soumission imposée et/ou volontaire ?
Les exportations mondiales des véhicules sont dominées par l’Allemagne et par la Chine qui produit 2/3 des EV du monde. Les industriels allemands croient en l’avenir industriel de la Chine où ils investissent beaucoup. Les Américains font tout pour s’y opposer. Ne pouvant répéter la guillotine « Nord Stream », ils s’appuient sur la Commission européenne qui taxe les importations d’EV. Les Chinois adaptent leur riposte en ciblant les importations agricoles, faibles en valeur mais fortes en poids politique. Brutalité des uns ou subtilités des autres.
L’Afrique à Pékin avec la FOCAF. Open bar pour les ressources naturelles. Tonneau des Danaïdes pour la dette
La Chine n’a pas sauvé l’Afrique du désastre dans lequel l’Occident l’a jetée. La politique coloniale l’a déstructurée en détruisant son histoire, et le libéralisme a enrichi les maîtres au prix d’un endettement insupportable. Tout le monde le sait, tout le monde se tait. La solution chinoise, politique et commerciale, n’a pas vraiment fait bouger les lignes. L’Afrique continue à brûler ses terres avec ses cultures sur brulis et à produire du CO2. Le monde libéral, qui l’a utilisée pour, hier y déverser ses déchets, et demain pour y vendre ses voitures non électriques, souhaite utiliser ses espaces verts pour stocker ses excès de CO2 et faire des affaires. Une rupture des courbes de croissance et décroissance est nécessaire, ce sera la jeunesse africaine qui la fera. Des études récentes1 indiquent que 60 % des jeunes Africains veulent émigrer. L’Afrique, un continent au passé détruit, avec une jeunesse qui s’enfuit a-t-elle encore un avenir ? Dans la continuité, non, dans la discontinuité, peut-être. Laquelle, après l’échec de la voie chinoise ?
Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n° 186/2024-09 sommaire
1- ÉVÉNEMENTS MAJEURS RÉCENTS ET ENJEUX DE DEMAIN EXTRÊME-ORIENT Chine Perte de confiance croissante, Patrick Hébert, Asie21 Chine – Allemagne Affaires et Politique – Geschäft ist Geschäft et théâtre d’ombres, Maurice Rossin, Asie21 Chine – Brésil – Asie – Amérique latine Xi et Lula, la voie Pacifique du développement, Maurice Rossin, Asie21 Encadré 1 Comprendre … Lire la suite
TOUTES LES NOTES DE LECTURE (liste)
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A history of the Pakistani army. Wars and insurrections, 1998
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Années fastes (Les), Chan Koochung, Bernard Grasset & Fasquelle, 2012
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Arctique : la géopolitique est de retour, Thierry Garcin, 2021
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Asie retrouvée (L’), David Camroux et J.L. Domenach, 1997
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Autre regard sur l’Inde (Un), François Gautier, édition du Tricorne, Genève, 1999
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Aux portes du ciel, la statuaire taoïste du Hunan, Patrice Fava, Les Belles Lettres, EFEO, Paris, janvier 2014
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Bénarès – Kyôto (Le), Olivier Germain-Thomas, Editions du Rocher, 2007
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Birmane, Christophe Ono-dit-Biot, Plon, 2007
Chine – Pérou (Shanghai – Chancay) : La nouvelle route du Pacifique de COSCO en pays Inca, capitale Cusco
La Chine, avec COSCO, investit 3,5 Mds $ dans la construction d’un mégaport en eau profonde à Chancay sur la côte pacifique de l’Amérique latine, ouvrant une nouvelle route Shanghai – Chancay. L’ironie de l’histoire veut que le nom de ce nouveau port soit celui du peuple indien de la région1, vaincu par les Incas à la fin du 15e siècle, Incas dont la capitale était Cusco. Ainsi COSCO, avec cette nouvelle ligne « Shanghai- Chankai », marche-t-il dans les traces de l’histoire amérindienne.
La Chine est devenue, en 20 ans, le 1er partenaire commercial de l’Amérique latine, backyard des États-Unis selon la doctrine Monroe de 18232, et ce, sans tirer un coup de feu. Un bel exploit montrant que le commerce est un moyen autre que militaire, pour conquérir le monde, art dans lequel la Chine excelle. Les nouvelles caravanes de la soie sont les compagnies maritimes comme COSCO, au service de la politique chinoise, les ports en sont les relais, Chancay sera celui du monde latino-américain.
Chine – Allemagne : La taxation ciblée des véhicules électriques chinois ou « La guerre préventive, c’est comme se suicider par peur de la mort. » (Otto Von Bismarck)
La décision sur les taxes des voitures électriques chinoises a été retardée au 12 juin pour ne pas influencer les élections des députés au Parlement européen. Les taxations sur les EV* sont calculées société par société, elles corrigeront les subventions reçues au cours du processus de fabrication des EV. Elles sont le résultat d’un travail de 250 jours de mission d’experts sur le terrain en Chine, de plus de 100 visites d’entreprises, d’études de milliers de pages de documents.
Chine – Turquie – Russie : La marche turque vers l’est. Vers un retour aux sources
« La Turquie est une partie de l’Europe » disait W. Hallstein1 en signant l’accord d’association avec la Turquie en 1963. Mais les portes de l’Europe lui sont restées fermées alors qu’elle avait déposé sa demande d’adhésion en 1987, et de pays candidat en 1999.
L’Europe est passée de 6 à 27 membres, la candidature turque a été gelée alors que l’Asie, devenue la locomotive de l’économie mondiale, attirait la Turquie dans ses rets.
« Nous aimerions devenir membre des BRICS, cela pourrait être une bonne alternative à l’Union européenne », déclare le ministre des Affaires étrangères turc à l’issue d’une visite au Xinjiang et en Chine.
La marche turque vers l’est ressemble à un retour aux sources d’un peuple qui veut valoriser les liens que son histoire a tissés avec la Chine, l’Inde, la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite, dans le monde autre qu’unipolaire de l’Occident.
La géopolitique mondiale rappelle le poids de l’Histoire des peuples et combien « les faits sont têtus ».